Un sujet sensible, toujours aussi préoccupant… La Crise du Covid-19 révèle même une aggravation partout dans le monde, notamment pendant les confinements. Les initiatives des Etats et de la Société Civile aident à résoudre les problèmes…
La Division Inclusion du département Sciences Humaines et Sociales (SHS) a invité trois intervenants pour évoquer la Question de la Violence faite aux Femmes, une problématique qui n’est pas nouvelle mais qui, en dépit des efforts engagés pour endiguer ce vrai fléau social, demeure un fait établi partout dans le monde. La crise du Covid-19, à cause notamment des effets du confinement, a hélas provoqué une forte recrudescence de ces agressions partout dans le monde, avec une « explosion » du nombre des signalements…
En introduction, Saniye Gulser Corat, de la section « Egalité des Genres » (une des deux grandes priorités stratégiques de l’UNESCO, l’autre étant l’Afrique) a donné quelques chiffres édifiants sur la recrudescence des abus violents : doublement au Liban suite au confinement, + 75% en Australie, près de 40% en Afrique du Sud ou en France etc…
On rappelle que l’UNESCO qui est impliqué sur cette thématique depuis de nombreuses années entend ne pas relâcher ses efforts dans les conditions actuelles eu égard à une aggravation multiforme, qui appelle à prendre en compte de nombreux aspects et à associer étroitement les acteurs de la société civile pour trouver « des solutions qui marchent ».
Sont intervenues ensuite trois Personnalités particulièrement au fait de cette violence sociale, chacune étant appelée à évoquer la question selon l’angle de vue que leur donne leurs fonctions : une Ministre pour parler de l’Italie (Mme Elena Bonetti, Ministre de l’Egalité et de la Famille), une représentante du Conseil de l’Europe (Mme Shezana Markovic, Directrice de la Division Démocratie au CE) et le Directeur Général d’une Association internationale militante du combat à mener pour la protection des Femmes victimes de violences de tous ordres (M Humberto Carolo, Executive Director de White Ribbon).
Ci-après les principales idées que l’on aura retenues :
Mme Bonetti, Ministre du Gouvernement italien
Au-delà de la crise Covid-19, pour contribuer à une meilleure situation faite aux femmes dans la société, il y a lieu de revaloriser vraiment leur statut dans la société en termes de responsabilité, particulièrement aux plus hauts niveaux. Dans un pays comme l’Italie qui a été durement touché par la pandémie, on doit mesurer la part qu’elles ont prise dans la « riposte » face au choc : 70% des personnes engagées en première ligne étaient des femmes. Il faut reconnaître ce rôle clef qu’elles ont joué tout en déplorant que, en ces temps perturbés, il y ait eu aussi beaucoup de comportements violents à leur encontre.
Un groupe de travail de 12 femmes a été missionné pour tirer les enseignements de la crise du Covid-19 et faire le point de la situation en examinant à l’aune de cette expérience comment en pratique on peut améliorer la situation, au travers notamment de l’éducation mais aussi d’une meilleure organisation de la protection ou de la prévention avec de nombreux sujets à considérer : centres d’appel, neutralisation des auteurs de violence, prise en charge des questions financières (car bien souvent les femmes ne sont pas indépendantes financièrement), règlement de la question des enfants.
Les pouvoirs publics entendent mener activement ce combat contre la violence dans le cadre d’une planification prenant appui sur une stratégie articulée autour de trois axes : la protection des femmes, la prévention de la violence et le renforcement des droits (« empowerment », avec un durcissement pénal à l’encontre des auteurs de violence).
Les questions posées ont fait ressortir les sujets suivants : l’organisation du soutien et de l’assistance aux victimes, la façon dont la police doit se comporter face aux cas de comportements violents qu’elle est appelée à neutraliser, la violence psychologique et les discours de haine, la nécessité de l’éducation.
Mme Markovic, Haut Fonctionnaire du Conseil de l’Europe
Le Conseil de l’Europe est pleinement engagé, 34 Etats sont parties à la Convention d’Istambul (2014) qui définit un cadre général pour aider à structurer les politiques publiques à mener face aux risques de la violence perpétrée contre les femmes.
La Crise du Covid-19 a justifié une déclaration qui renouvelle l’engagement des Etats à traiter pro-activement de ces questions comme le fait l’Italie.
Parmi les initiatives recommandées, on retient d’abord :
- L’affirmation bien portée à la connaissance du public d’une résolution à combattre ce mal social ;
- Une large information donnée sur le rôle des services sociaux auxquels doivent pouvoir avoir accès les victimes ;
- L’assurance donnée de soutiens qui ne doivent pas être que financiers, cette assistance (assurance) doit prendre appui sur la possibilité de contacts faciles (hotline, forums de discussion en ligne etc.) et sur des bases juridiques solides (pénalisation des poursuites, définition large des cas d’actes violents, physiques ou psychologiques…).
Dans ces recommandations, l’accent est mis sur la sécurité des femmes et des enfants, d’un point de vue très pratiques et sans délai avec une bonne coordination des acteurs susceptibles d’intervenir lors de la survenance d’actes violents.
Des problèmes très spécifiques appellent des solutions appropriées surtout avec les particularités du Covid-19 qui ajoutent de la tension : les particularités ethniques, les difficultés dans le monde de la prostitution, le sujet important des handicapés.
M Carolo, Dirigeant d’une Association Internationale « White Ribbon » (Organisation présente dans plus de 60 pays, dédiée au combat contre les violences au titre du genre)
Un fait simple est à rappeler : la Pandémie avec les violences qui l’auront accompagnée a révélé des effets négatifs qui, s’explique, à bien des égards, par l’inégalité persistante entre les Hommes et les Femmes. Des inégalités flagrantes tenant à des facteurs économiques (les revenus, les emplois occupés, le chômage), sociaux (prise en charge souvent exclusive par les Femmes des activités domestiques, soin des enfants) ou culturels (statut de l’homme et de la femme).
Au vu de ce qu’il est advenu lors du confinement, on voit qu’il y a encore beaucoup à faire pour rééquilibrer la situation à tous les niveaux de la société et dans la psychologie des gens.
Beaucoup de violences faites aux Femmes sont domestiques (à la maison), et résultent largement d’une dominance de l’Homme qui, socialement ou culturellement, voit encore très souvent sa position de supériorité reconnue comme allant de soi, ce qui, dans certaines circonstances, peut laisser se développer chez lui presque impunément un déchaînement de violence inconsidéré en cas de tension ou contrariété (exemple : effet d’une mise au chômage, ou effet du confinement prolongé).
Des campagnes d’information doivent être menées pour prévenir ces risques, avec ainsi la fourniture d’outils sous forme de réponses à de nombreuses questions comme, par exemple : que faire en cas de survenance d’un problème de violence ? A qui s’adresser ? Quels risques encourus par les auteurs d’actes violents ? Quelles responsabilités ? Comment esquisser des solutions ?
Pour bien traiter de ces questions, et trouver des voies d’apaisement, il faut pouvoir autant que possible mobiliser ou associer son entourage : la Famille, les Amis, les Voisins… Il est important de pouvoir laisser sa porte ouverte, les violences sont souvent perpétrées dans des situations d’enfermement, ou de complet isolement.
Dans l’urgence, la police doit pouvoir jouer un rôle de protection immédiate : isoler le coupable de violence, mettre la Femme et les enfants à l’abri.
Plus généralement, comme l’ont rappelé les deux précédents intervenants, il y a lieu de faire porter beaucoup d’effort sur les aspects éducatifs, avec une Education assurant la promotion de Valeurs fondamentales comme : le respect de l’autre, le contrôle de ses émotions, l’éradication de certains stéréotypes où l’Homme et la Femme seraient consacrés dans des « role models » éminemment distincts et hiérarchisés.
Mme Angela Mello, Directrice de Programme (MOST Monitoring of Social Transformation)
Pour conclure, Mme Mello retient de l’échange la nécessité d’approches associant étroitement les Etats, les acteurs sociaux et la Société Civile.
L’augmentation des violences domestiques observées en ce temps de pandémie est préoccupante, les services sociaux ont pu subir les effets d’une désorganisation tenant à l’ampleur et la soudaineté de la crise, mais les efforts pour combattre ce fléau de la violence sociale ne sauraient être durablement relâchés. Les Etats en ont conscience, comme le montre l’expérience italienne. L’UNESCO va continuer de suivre de près ces questions comme elle le fait depuis 30 ans, d’abord en intensifiant ses efforts pour mieux mesurer toutes ces atteintes aux droits humains que reflètent les violences domestiques (la collecte des données), mais, comme cela a été dit par les trois intervenants, beaucoup d’amélioration peut être attendue du domaine de l’Education : enseignement des valeurs, plus large accès de jeunes filles à l’éducation jusqu’aux plus haut niveaux pour leur offrir en plus grand nombre des fonctions à haut niveau de responsabilité.
Deux autres voies sont à privilégier : la Recherche et les Coopérations avec un grand intérêt à accorder aux échanges de bonnes pratiques.