Avec ce nouveau webinaire du 14 mai 2020 (le cinquième), l’UNESCO poursuit l’action afin de rendre compte de très nombreuses initiatives prises partout dans le monde en vue de contrer les effets dévastateurs du virus, en ayant particulièrement le souci de faire ressortir les problèmes sensibles touchant les populations les plus exposées, exposées aux risques de la maladie, aux discriminations ou aux stigmatisations. L’événement a été piloté par la Division « Sciences Humaines et Sociales » (SHS /Section « Inclusion et Droits »).

Préalablement au lancement de la discussion, John Crowley, responsable du pôle Etudes-Recherche de la division SHS, a annoncé de nouvelles actions en lien avec le Covid-19 pour les semaines à venir, avec notamment l’initiative « Women Voices ». Faisant observer à quel point cette crise à fait éclore l’imagination pour résoudre les problèmes de l’heure mais aussi pour envisager l’avenir, il a aussi voulu indiquer le sens à donner aux échanges très riches auxquels donnent lieu ces webinaires : ils traitent de questions essentielles, éducatives, culturelles et peuvent aborder les questions scientifiques ou les sujets se rattachant à l’information, en somme tous les domaines que couvre l’UNESCO. Ce faisant, ils viennent alimenter les réflexions et pourront grandement alimenter les Programmes et aider à l’élaboration des nouvelles Orientations stratégiques que l’UNESCO se doit maintenant de réviser à l’aune de l’après Covid-19 en étant réaliste – avec des propositions dont on sera sûr de la faisabilité et de l’acceptabilité – et en écoutant encore plus que par le passé la voix des femmes.

On se propose ci-après de restituer les principales idées qui ont retenu notre attention.

Mme Ingjerd SCHOU, Ancienne Ministre des affaires sociales, Députée (Norvège)

Forte de son expérience, et avec des références à la crise actuelle, Mme SHOU a livré toute une série d’observations intéressante.

Deux sujets sont essentiels pour maîtriser les évènements : la Communication, qui doit être intense, soignée, permanente, cohérente, et le « leadership », un leadership ancré dans le concret.

Il faut expliquer, rassurer en restant modeste, dire le cas échéant ce à quoi on ne peut pas répondre, mais en restant présent, attentif à la situation des plus défavorisés (les maillons les plus faibles du tissus social), en ne lésinant pas sur les moyens.

Au cours des dernières semaines, la Première Ministre est très souvent intervenue pour s’adresser à la population (trois fois par semaine), et s’agissant des Enfants, objet d’une attention particulière, elle a entretenu un dialogue avec eux.

Deux autres observations formulées :

  • Si les actions sont à mener sur le terrain localement, il faut se convaincre qu’avec cette crise, le défi à relever est global, et qu’on ne saurait surmonter toutes les difficultés seuls : de l’importance des coopérations, et des actions menées sous l’égide de l’ONU, notamment dans le domaine de la recherche, avec l’OMS en particulier ;
  • S’agissant de l’après, il faut avoir une vision de long terme pour les systèmes de santé, l’organisation de la solidarité et l’économie, mais pas seulement ; on se doit aussi de réfléchir aux questions éducatives.

Mme Nandita DAS, Actrice et Réalisatrice de films, militante engagée au service de la lutte contre les discriminations, à l’encontre des Femmes notamment (Inde)

L’intervenante a rappelé ici la violence que génère la crise, violence sociale, violence intra-familiale intense dans un pays comme l’Inde, et qui a singulièrement touché les femmes lors du confinement.

L’arrêt de l’activité a mis brutalement au chômage des centaines de millions de personnes, parmi lesquelles beaucoup de femmes, laissées sans ressources et supportant bien souvent toute la charge de leurs familles, dans des conditions d’une grande précarité.

La panique générée par cette situation a incité les populations mises à pied à revenir dans leurs régions d’origine, ce qui a suscité une sévère répression (afin de bloquer des déplacements sources possibles de propagation du virus).

La toile de fond reste assez désolante, mais il faut quand même noter des histoires positives, où l’entraide, notamment entre femmes, a aidé à faire face aux difficultés, et où certains responsables politiques se sont pleinement engagés avec, là aussi, une présence féminine à souligner.

Reste à conserver présente à l’esprit trop de situations inacceptables : il faut le dire pour mettre fin aux inégalités les plus criantes et aux violences faites aux femmes qui existent en permanence mais qui s’exacerbent en ces temps de pandémie.

Mme Ayfer YAZKANKUBA, Responsable au sein de l’organisation de l’un des arrondissements d’Istambul (Turquie)

Témoignage à propos de l’organisation d’un arrondissement de 482 000 habitants.

Très rapidement, a été mis en place un « Corona Crisis Desk » pour piloter les opérations (prises de décision comme annulation d’évènements, coordination notamment avec les services de l’État, définition des priorités).

Comme on l’aura noté pour une ville comme Lausanne ou Freetown (voir le témoignage suivant), les initiatives sont prises de façon indifférenciée sur beaucoup d’aspects (la pandémie touche toutes les couches de population) mais ici aussi, les populations les plus désavantagées font l’objet d’une attention toute particulière, notamment les « sans abris », les personnes isolées, les pauvres.

Ont été mises en place des centres d’appel, des systèmes de distribution alimentaire, d’aide sociale (hausse de 50%), de soutien psychologique.

Comme partout ailleurs, une recrudescence de la violence a été notée au moment du confinement, la municipalité s’est attachée à prendre l’initiative pour endiguer le phénomène.

Les actions de communication ont été nombreuses, des messages ciblés ont été diffusés notamment pour convaincre de la nécessité de modifier les comportements.

Tous les acteurs-responsables de la société ont été mobilisés. Les leaders politiques ont joué un rôle essentiel, mais ont aussi été invités à servir de relais d’autres composantes de la société civile, y compris les religieux afin qu’ils aident à la diffusion et l’explication des nouvelles pratiques.

Une attention particulière a été apportée aux jeunes, pour leur expliquer les raisons et la nécessité de modifier les comportements.

Mme Yvonne AKI SAWYERR, Maire de Freetown (capitale de la Sierra Leone)

Présentation de la situation très riche en information et donnant bien la dimension des défis à surmonter pour une ville de 1,2 millions d’habitants : forte densité de population, grande pauvreté (30% de la population vit avec moins de 1 dollar par jour), insuffisance des accès à l’eau (47% de la population sans accès à l’eau) :

  • Il importe de bien organiser l’action en lien avec le Gouvernement ;
  • On a pu capitaliser sur les leçons de la pandémie EBOLA ;
  • Un fait à reconnaître : compte tenu des données objectives de la situation d’une ville comme Freetown (au plan sanitaire, économique, social), assurer une bonne inclusion de tous est une grande difficulté.

Se rendre à l’évidence, les messages « restez chez vous » ou « lavez-vous les mains fréquemment » ou « respectez la distanciation sociale » n’ont pas grand sens pour des zones surpeuplées ou dans des bidonvilles comme il en existe encore.

Cela dit de très gros efforts ont été déployés pour obtenir le maximum d’effets positifs :

  • Pilotage et direction des opérations fondés sur des reportings détaillés ;
  • Mobilisation d’influenceurs, collaboration avec les représentants des communautés ;
  • Recours aux quarantaines sans réserve, au traçage, cartographie des zones d’infection ;
  • Gros efforts en matière de logistique ;
  • Gestion de l’eau avec la mise en place de dizaines de points de distribution (camions citernes) ;
  • Fermeture des marchés.

En conclusion et selon ce qui est maintenant devenu la règle : énoncé par les panelistes des idées qui leurs semblent les plus importantes

  • Se préparer à de prochaines pandémies car il y en aura d’autres, se soucier de l’Avenir ;
  • Trois éléments clefs à retenir : être proactif, inclusif, et prospectif ;
  • Deux sujets très importants à traiter prioritairement : les équipements hospitaliers et la question de l’eau ;
  • Que les Pays les plus avancés n’oublient pas les autres ;
  • Que l’on privilégie plus un Développement Durable.