Dialogue et éducation interculturels et inter-religieux 
pour un monde de paix, d’harmonie et de tolérance

17-19 septembre 2018, PARIS – Maison de l’UNESCO


Ces dernières années, chaque rentrée à l’UNESCO est marquée par un événement très généreux, dédié aux dialogues des cultures et des religions. Cet événement est organisé par des associations bouddhistes (l’Organisation Mondiale des Bouddhistes (WFB), l’Association Pure Land Learning Collège (PLLC), l’Association des Amis de Master Chin Kung à l’UNESCO (PAHD) et co-organisé, cette année, par les délégations de deux pays africains (la Délégation permanente de Côte d’Ivoire auprès de l’UNESCO, la Délégation permanente de la République fédérale du Nigéria auprès de l’UNESCO) et une délégation d’un pays arabe, le Sultanat d’Oman.

La matinée a commencé par une prière pour la paix mondiale à laquelle se sont associées les religions présentes à la conférence.


Lecture a été donnée du message de Mme Audrey Azoulay, Directrice générale de l’UNESCO.
[lire le message de Mme Audrey Azoulay]


S. Ex. Madame Denise Houphouët-Boigny, Ambassadeur, Déléguée

S. Ex Mme Houphouët-Boigny en compagnie de Mme Roche, Présidente du CCIC et du Vénérable Maître Chin Kung

permanente de Côte d’Ivoire auprès de l’UNESCO, a rappelé son acte constitutif « Les guerres prenant naissance dans l’esprit des hommes et des femmes, c’est dans l’esprit des hommes et des femmes que doivent s’élever les défenses de la paix ». L’ignorance et les méfiances sont des ennemis de la paix.


S. Ex. Monsieur Ahmed Sayyad, Ambassadeur du Yémen auprès de l’UNESCO, Président de l’Association des Amis de Master Chin Kung a souligné que l’UNESCO est une maison ouverte à toutes les cultures. Il a souligné aussi que le respect de l’autre dans le dialogue et l’acceptation de la différence contribue à construire un monde de paix. L’amour n’a pas de religion.


S. Ex. Dr Samira Mohamed Moosa Al Moosa, Ambassadeur, Déléguée

la cathédrale St Joseph de Zanzibar dans la capitale Stone town

permanente du Sultanat d’Oman auprès de l’UNESCO, précise que, plus la pensée est ouverte, plus elle constitue une base solide pour la tolérance religieuse. Elle explique que le Sultanat d’Oman a une longue histoire de tolérance religieuse. En effet dans ce pays coexistent mosquées, églises et temples hindouistes dans la capitale Mascate aussi bien que sur l’île de Zanzibar qui a longtemps été colonie du Sultanat avant de faire partie de la Tanzanie. 
Cette tolérance religieuse serait une conséquence de leur ouverture grâce au commerce qu’ils ont exercé depuis le 15ème siècle sur tout l’océan indien aussi bien à l’est de l’Afrique qu’en Inde. Cet absence de prosélytisme fondé sur un respect mutuel est une barrière devant les extrémismes. 

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D’après la carte produite par Dr Al Moussa et provenant de l’ »Institute for Economics and Peace« , peu nombreux sont le pays où le terrorisme n’a aucun impact, Il sont en bleu clair sur cette carte. Oman serait le seul pays du Moyen Orient qui possède cette caractéristique. A noter que les Émirats Arabes Unis, leur voisin, pratiquent aussi la même tolérance religieuse aujourd’hui.


Monsieur Xing Qu, Directeur général adjoint de l’UNESCO a mis en valeur le vivre ensemble dans le cadre de la décennie de la paix. La paix est l’autre mot signifiant développement.


S. Ex. Madame Zohour Alaoui, Présidente de la 39ème session de la Conférence générale de l’UNESCO, voit dans le dialogue une aide à la recherche et la compréhension de l’autre. La convivialité est un outil de prévention des conflits. L’éducation a un rôle dans la valorisation des échanges culturels. Elle a rappelé la phrase de Monsieur Kofi Annan : « La tolérance est une vertu qui rend la paix possible ».

[Lire le discours de S. Ex. Madame Zohour Alaoui]


Le Vénérable Master Chin Kung est intervenu par une vidéo. La religion est une éducation. Le dialogue inter-religieux entraîne une cohésion, une communication par des termes affectueux entre les hommes. Travailler ensemble, organiser des voyages sont de bonnes méthodes pour la rencontre.

Une photo de groupe est prise pour clore la première partie de la matinée.


Table ronde I
La contribution du dialogue inter-religieux pour la paix en Afrique


Modérateur : Père Jean-Pierre Allouchery, Chanoine titulaire du chapitre de la Cathédrale Saint Louis à Versailles, Membre titulaire de l’Académie des Sciences morales, des lettres et des Arts de Versailles et Île-de-France, Membre de l’Institut Afrique Monde voit la table ronde comme un ensemble d’expériences, de discernements, de dialogues.


Le Professeur Camille Kuyu, Professeur de Droit, Président du Conseil d’Orientation de l’Institut Afrique Monde, précise qu’en Afrique de l’Ouest, les conflits inter-religieux sont des conflits sociaux-politiques. Jadis , ils n’existaient pas. Ce qui est nouveau aujourd’hui, ce sont des initiatives populaires de rencontre. Le dialogue suppose une volonté des deux protagonistes.


Monsieur Nicolas Klingelschmitt, consultant, membre de l’Institut Afrique Monde.
Le Bénin était un exemple de tolérance, de respect entre communautés. La culture est fortement imprégnée de la religion Bodrum, religion traditionnelle. Les problèmes entre religions viennent des attitudes extrémistes dont les financements sont opaques. Les relations sont toutefois favorisées par les travaux qui concernent le confort de tous.


Rév. Père Guillaume Bruté de Rémur, théologien formateur, Recteur du Séminaire International Inter-rituel Missionnaire Rédemptoris Mater du Liban compte 17 confessions différentes au Liban mais une seule mission, la mission Jean-Paul II.
En 1964, la spiritualité chrétienne était riche, fruit de l’amour supême.
Aujourd’hui, la vision identitaire provoque un repli sur soi chez les chrétiens. La dimension spirituelle se dilate. Le séminaire forme des acteurs qui doivent apprendre à dialoguer dans des situations conflictuelles, à créer à vivre ensemble, des acteurs qui favorisent le dialogue, la réconciliation.


Dr Emile Moselly Batamack, Professeur de philosophie, Membre du Conseil d’Administration de l’Institut Afrique Monde précise que dès le début de cet institut, un département dédié aux religions traditionnelles fut crée. Ces religions
sont méconnues et marginalisées. Elles ne rentrent pas dans les préoccupations du dialogue religieux. Or la tradition africaine veut de discuter avec l’autre tel qu’il est et non tel que l’on souhaite qu’il soit. La tradition valorise l’oral plus que l’écriture. Il y a un lien entre la pensée et l’art. Les chefs des religions de la tradition peuvent être aussi catholiques mais ces religions de la tradition dont absentes du débat inter-religieux.


Table ronde II

Dédiée aux « Questions de gouvernance et création de la paix en dehors des conflits à travers la moralité, l’éthique et l’éducation de causalité »


Monsieur Ahma Jalali, Délégué de la République d’Iran auprès de l’UNESCO, a animé cette table ronde.


Monsieur Dave Lynch, chef de la Section pour la Citoyenneté mondiale et l’Éducation pour la Paix a parlé de la nécessité du renforcement de l’éducation pour la paix, qui passe par l’éducation à la citoyenneté globale et qui est une composante d’un développement durable. La paix commence sur les bancs de l’école, les jeunes y ont la chance de devenir des contributeurs pro-actifs à ce monde. Leurs compétences civiques, socio-affectives, politiques, peuvent être développées. Le lien avec la tradition est un élément essentiel à prendre en compte. Dans ce processus, les dirigeants culturels et religieux ont leur rôle à jouer. Si l’on essaie de trouver des réponses à des questions comme « comment faire face à la discrimination contre les musulmans, au discours contre les immigrés, contre les juifs », on constate que le hard power ne suffit plus, nous avons besoin du soft power.


S. Ex. Monsieur Flavio Mendez, délégué du Panama auprès de l’UNESCO, nous a surpris en parlant de son travail et de sa famille ! Il veille à l’équilibre de ces deux composantes importantes de sa vie, au point de renoncer à prendre plus de responsabilités pour préserver sa vie de famille. Il y a, ici, un message subtil, une clé de cette équation complexe éducation – dialogue – cultures – religions – paix. Cette clé est « la famille » et elle est une clé parce que c’est le premier noyau dans le cadre duquel ces valeurs de bienveillance à l’égard du proche, de tolérance, de civisme même peuvent être propagées.
Dans une autre clé de lecture, la famille est un facteur favorisant l’atteinte par l’individu des idéaux de sérénité, d’harmonie, d’amour que la religion bouddhiste (et d’autres familles spirituelles comme le christianisme) enseigne. Ce point de vue apporte une réponse aussi à une autre question qui peut être soulevé : l’harmonie sociale est bien éprouvée, par exemple, dans les sociétés occidentales libérales, où les individus sont constamment mis en concurrence pour des raisons d’efficacité maximale, ce qui produit de la performance, c’est vrai, mais aussi de la concurrence et du conflit.
Le bouddhisme apporte à cela comme réponse les valeurs de bonté et d’amour. Dans le confucianisme, l’homme est bon à l’origine, mais cette bonté s’altère parce qu’une couche polluante de violence se rajoute. Les facteurs socio–économiques influencent ces développements ! Pour revenir à la nature initiale (bonne) de l’individu, un travail de l’individu sur lui-même est nécessaire. Éliminer les conflits intérieurs, les sources d’insatisfaction, les antagonismes est une condition de sérénité et d’harmonie. La cohésion familiale, la stabilité sociale, doivent venir de la paix du cœur de chacun.


Madame Mariam Y. Katagum, Déléguée de la République fédérale du Nigéria auprès de l’UNESCO, a souligné le fait que l’Afrique a besoin d’un programme qui s’occupe du lien entre les systèmes traditionnels de gouvernement et les gouvernements en place. Des problèmes peuvent resurgir parfois en essayant d’appliquer les modèles de gouvernance proposés par les pays occidentaux. Il est inapproprié qu’un problème familial soit résolu juridiquement : il faut qu’il soit résolu avant tout en famille. D’autres voies de résolution des conflits sont nécessaires comme alternatives à la justice, par exemple la médiation.


Table ronde VII

« Comment utiliser l’éducation pour promouvoir l’harmonie »


Monsieur Ghazi Gherairi, le délégué de la Tunisie auprès de l’UNESCO, a attiré l’attention sur un point cardinal de la réflexion : ne pas penser qu’un certain programme peut jouir d’une vérité absolue ; la relativité est la main tendue vers les autres. Il n’y a pas une vérité une et indiscutable. Cette relativité serait à « imprimer » dans la conception et la transmission des programmes. Les enseignants sont essentiels dans la transmission du message, dans l’enseignement. Le délégué de la Tunisie met en discussion, il nous semble, par ces propos, comme la déléguée de Nigeria, la compatibilité des modèles occidentaux avec les sociétés locales, le lien avec la tradition.


Table ronde VIII

« Comment la connaissance, multiconfessionnelle influence-t-elle l’éducation ? Partage d’expériences sur le dialogue inter-religieux. »


Madame Ann-Belinda Preis, modérateur, Chef de section Dialogue interculturel, Secteur des Sciences sociale et humaines, UNESCO a parlé du « Processus de Bakou » 2017-2019. L’UNESCO est en charge de construire la paix entre les hommes. Le « Processus de Bakou » a été lancé en 2008 par le Président d’Azerbaïdjan en faveur de la promotion du dialogue interculturel et inter-religieux.


Le Professeur Alberto Melloni, Chaire de l’UNESCO sur le pluralisme religieux et la paix de l’Université de Bologne, Fondation John XXIII pour les études religieuses a insisté sur le fait qu’en matière de dialogue religieux, rien n’est imposé et rien n’est acquis. On assiste à une monté en puissance du fondamentalisme qui peut se mesurer de manière quantitative. Le rôle de l’enseignement du religieux est capital parce que bien souvent les religions se maintiennent avec une immense ignorance de la religion. Cette ignorance est un ennemi important. Il est bon de se « plonger » dans la connaissance profonde de sa religion. D’où le rôle de l’éducation.


S. Ex. Monsieur Anar Karimov, Ambassadeur, Délégué permanent de l’Azerbaïdjan auprès de l’UNESCO rappelle que c’est en 2008 que le processus lancé au forum de Bakou a démarré lors de la conférence des ministres de la culture du Conseil de l’Europe et des pays membres de la conférence islamique. C’est devenu une plate forme mondiale pour communiquer, échanger, dialoguer avec des personnalités politiques, religieuses, des jeunes universitaires. Plusieurs réseaux de communications, de coopérations ont été crées à partir de ces forums. En 2017, plus de 120 pays y étaient présents. Ce qui prouve l’intérêt croissant au niveau international de ces rencontres.

Historiquement, l’Azerbaïdjan est à la croisée de plusieurs civilisations sur la route de la soie. C’était une passerelle naturelle entre l’Orient et l’Occident. Mais à la tradition ancienne de tolérance succèdent le terrorisme, les conflits confessionnels. Le principal outil pour lutter contre cet état de fait est le dialogue. Pour l’avenir il est urgent de s’adresser aux jeunes. Il serait bon de mieux exploiter les réseaux sociaux, de véhiculer des livres plutôt que d’échanger des armes.


S. Ex. Monsieur Diekumpuna Sita N’sadisi José, Ambassadeur, Délégué permanent de l’Angola auprès de l’UNESCO, explique que la libération de son pays en 1975, après 500 ans d’occupation portugaise n’a pas été célébrée de façon solennelle mais a donné naissance à la création de deux pays angolais jusqu’en 2002. Ce sont les églises, l’action des missionnaires qui ont travaillé auprès des belligérants pour atteindre une situation de réconciliation nationale, de paix le 4 avril 2002.


S. Ex. Madame Irena Vaïsvilaité, Ambassadeur, Déléguée permanente de Lituanie auprès de l’UNESCO rappelle que son pays est une jeune démocratie issue du bloc soviétique où la liberté religieuse est très contrôlée. Le dialogue signifie le respect, le concept de convivialité, une obligation pour celui qui écoute mais aussi une obligation pour celui qui parle. La démocratie est un terreau fertile pour le dialogue inter-religieux. Toutefois beaucoup de jeunes investissent la liberté individuelle plus qu’une communauté religieuse. Le dialogue inter-religieux est difficile à mettre en place.


Monsieur Edouard Firmin Matoko, sous directeur général du Département Afrique – UNESCO donne de l’importance à la mobilité universitaire pour le dialogue interculturel. L’UNESCO est la maison du donner et du recevoir selon le slogan de sa création. C’est un concept qui irrigue la culture de la paix, qui prévient les conflits. En Afrique c’est un mouvement qui apparaît dans ce sens. Il convient cependant de ne pas négliger toutes les formes d’expressions religieuses pour assurer le vivre ensemble.


CONCLUSIONS


Vénérable Master Chin Kung souligne par vidéo les grandes avancées de ces trois jours. Les points forts  sont l’écoute de l’autre et des autres, l’attention pour l’autre et pour les autres, la patience vis à vis de l’autre et des autres, le pardon, le Dieu puissant d’Amour et de miséricorde. L’éducation doit contribuer à connaître les fondamentaux des textes sacrés.


S. Ex. Monsieur LEE Byong-hyun, Président du Conseil exécutif de l’UNESCO (TBC) remercie tous les intervenants, les organisateurs et le public venu participer. Le dialogue durant ces trois jours a été constructif et c’est un message commun de toutes les religions. Il doit être notre quotidien.


S. Ex. Monsieur David Measketh, Ambassadeur, Délégué permanent adjoint du Royaume du Cambodge auprès de l’UNESCO souligne que ces trois jours ont été riches en analyses et en émotions. Ces réflexions doivent aboutir à vivre ensemble, à connaître, à faire, à être. Il sera crée un comité de suivi des conclusions de cette conférence.


Vénérable Wu Shin, PAHD, Vice-Président exécutif salue et remercie l’assemblée de la conférence, les présences et les participations. Ces trois jours sont un véritable succès. Si les religions peuvent coopérer, elles influenceront les politiques. Le mot chinois « éducation » regroupe trois notions : ce qui est 1er, ce qui est respect et ce qui est enseignement. Les religions ont toutes en commun l’amour. Que l’Amour soit au cœur de tous.

En conclusion, lors de la conférence internationale sur la paix de cette année, nous avons pu apprécier plusieurs aspects très concrets, bienvenus dans une discussion sur des thèmes qui peuvent paraître trop abstraits : des exemples concrets de bonnes pratiques : Oman, pays très tolérant dans la région arabe, Toowoomba, ville multiconfessionnelle en Australie ; l’importance donnée aux dirigeants culturels et religieux dans l’éducation à la paix, via le lien de la spiritualité avec l’éthique et la morale et, aussi, l’importance donnée à la famille, valeur chrétienne également, dans la construction d’une société plus harmonieuse et plus pacifique.

O. Barsan – M-C. Lattes – D. Rouillac