La première session a porté sur l’aide au développement en faveur de l’Afrique telle que la Chine l’envisage et la met en œuvre au travers notamment de projets d’envergure dans le secteur énergétique avec tous leurs prolongements. Les thèmes abordés allant bien au-delà du domaine de l’Eau, objet principal de la Conférence, cette session aurait pu s’intituler : « Comment la Chine va participer activement au développement économique du continent africain dans les 35 prochaines années en misant sur l’interconnexion des réseaux électriques nationaux et en favorisant le codéveloppement ».
M. Zhenya LIU- Président de GEIDCO
L’Organisation mondiale pour le Développement et la Coopération en matière d’Interconnexion Energétique (GEIDCO), dont le siège est situé à Beijing, en Chine, cherche à promouvoir la mise en place d’un système mondial d’interconnexion énergétique. Elle élabore des plans de développement et encourage la création d’un cadre de normes techniques. Elle promeut la recherche et l’innovation, mène des études, développe des actions de communication et vise à intensifier la coopération internationales pour la mise en œuvre de projets d’ingénierie coordonnés par la Chine avec le concours d’expert de nombreux pays.
M. LIANG Xuming Directeur de la technologie de GEIDCO et ancien directeur du projet du barrage des 3 Gorges en Chine, a ensuite exposé les résultats d’un rapport sur les programmes proposés par la Chine pour développer l’Afrique.
Le rapport du GEIDCO sur la collaboration Chine – Afrique analyse tout d’abord l’évolution de l’offre électrique de ce continent.
Mr Liang a d’abord fait observer que le potentiel de production d’énergie d’origine hydraulique a jusqu’à présent été très sous exploité. Pour mettre fin à cette situation résultant des négligences passées en matière d’investissement dans ce secteur stratégique, la Chine estime possible de multiplier cette source de production par 10 en 50 ans en faisant valoir les points suivants :
- son expérience sur le projet des 3 Gorges sur le fleuve Yangzi Jiang (projet mené à bien en 17 ans et qui aurait couté 25 milliards US$) serait appliquée à un vaste projet de barrages sur le bassin du fleuve Congo ; chaque projet serait de taille similaire. La carte ci-contre montre les connections au départ de la rivière Cogo. Trois barrages seraient construits (a Pioka, Inga et Matadi) avec une puissance installée de 110 GW ce qui permettra d’exporter 91 MW dans les autres pays d’Afrique.
- son avance technologique en matière de transport de l’électricité par la technologie révolutionnaire de l’Ultra High Voltage :
- En 2030, 3 circuits UHV-DC vers le golfe de Guinée en courant continu avec 15 MW.
- En 2050, 7 autres circuits UHV-DC vers l’Afrique du Sud en courant continu avec 58 MW.
- En 2070, 3 circuits UHV-DC vers l’Egypte en courant continu avec 18 MW.
Qu’est le UHV ? L’Ultra High Voltage (transport du courant électrique au-delà de 500 000 V) en courant continu (DC) ou en alternatif (AC) est une technologie innovante qui permet de transporter de l’électricité sur de grandes distances entre centres de production et centres de consommation, comme dans le cas de la génération hydraulique africaine, en minimisant les pertes en ligne. La Chine a déjà développé 20,000 km de lignes UHV en interne et cette technologie constitue désormais un atout majeur permettant à la Chine d’accroitre son influence dans le monde entier. Cette technologie est encore peu connue en Occident car les distances de transmission y sont plus courtes.
L’objectif de GEIDCO est que l’offre électrique en Afrique en 2050 provienne à 17% de l’hydraulique, à 32% de l’éolien et à 40% du solaire soit à près de 90% en énergies renouvelables.
Ensuite ce rapport évoque la demande électrique future en Afrique. La demande électrique entre 2015 et 2050 sera multipliée par un facteur 5,6 de 120 à 690 GW (courbe orange sur le graphe ci-joint). Sur cette même période de 35 ans, la consommation par habitant augmentera d’un facteur 3 de 534 à 1590 kWh.
Elle proviendra de 5 régions dont les plans sont détaillés un par un.
L’interconnexion des réseaux entre États sera à développer car elle est indispensable dans la perspective d’une gestion de la ressource électrique au niveau du continent africain.
Le schéma ci-joint est une vue des centres de production (Clean Energy Bases) vers les centres utilisateurs (Load Centers) ainsi que le schéma de distribution en MW entre tous ces pays africains, les Proche et Moyen Orients et l’Europe.
En plus du développement du UHV en courant continu, en 2030, 5 projets de distribution de UHV en courant alternatif seront construits, un par région sur le schéma ci-dessous.
L’électricité dans le développement du continent est d’importance stratégique. Pour s’en tenir à l’un de ses rapports à l’eau, au rôle essentiel qu’elle peut jouer, on a cité deux exemples : le dessalement de l’eau de mer (l’électricité compte pour 40% de son coût), le traitement des eaux usées (45%).
De plus, les programmes chinois mettent en avant les codéveloppements que génère l’intégration de l’électricité dans tous les secteurs de l’économie, depuis les mines, la métallurgie, la fabrication de biens jusqu’aux activités du commerce.
Par exemple dans la région d’Afrique du Sud, 3 ceintures de développement ont été identifiées. Elles profiteront de leur localisation entre les Océans Indien et Atlantique et pourront prendre leur essor grâce à des initiatives coordonnées entre différents pôles d’activités complémentaires. Les mines et la métallurgie sont au centre du développement de cette région. Les priorités seront données à l’affinage du cuivre, à l’électrolyse de l’aluminium et l’affinage de l’acier. Les chinois investiront massivement dans ces secteurs.
Beaucoup d’experts internationaux semblent se ranger derrière les projets de développement de l’Afrique par les chinois car personne d’autre ne semble avoir la surface suffisante pour les mener à bien. Le fait est qu’actuellement on discerne peu d’engagements des autres pays dans le secteur énergétique, les États Unis et la Russie notamment ne sont pas vraiment présents.
La gestion de l’Eau : quelques commentaires d’experts
M. Loic Fauchon – Président, Conseil mondial de l’eau
Quatre idées à retenir, chacune montrant les défis à relever à propos de l’Eau, une ressource d’importance vitale :
- Assurer la sécurité d’approvisionnement de l’Eau. Il s’agit de maitriser la gestion de l’offre : stockage de l’eau naturelle et dessalement de l’eau de mer. De plus, en aval, il convient de renforcer deux axes d’actions : éviter le gaspillage et accroitre la gestion digitale qui permet de détecter plus rapidement les fuites sur le réseau.
- L’eau n’est plus un sujet que l’on traite isolément. Compte tenu de son importance, elle est à intégrer à de nombreux autres objectifs des politiques publiques comme l’éducation, la santé, la paix. On doit rassembler autour de ces sujets.
- L’eau est politique. Le temps est venu de convaincre les élus (parlementaires) des États membre pour les impliquer dans les décisions sur l’Eau à tous les niveaux et singulièrement au plan local.
- C’est « le temps de l’Afrique pour l’Eau ». A cet égard, il faut rappeler que le Sénégal sera la « capitale de l’Eau » pour les deux prochaines années avec plusieurs forums qui y seront organisés. Dans ce contexte, il faut s’attendre à voir d’importantes décisions être prises.
M. Jean-Louis Chaussade- Président Directeur général, Suez
Le dérèglement climatique produit une succession de sécheresses et d’ouragans à une fréquence jamais vue.
Les décisions de principe pour protéger les populations sont prises par les pouvoirs publics à 90% alors que leurs applications sont souvent privées. L’opposition quelque fois observée entre public et privé est donc stérile.
Le secteur privé a un savoir-faire et maitrise des technologies en permanence renouvelées pour apporter les meilleures solutions pratiques. Il permet, entre autres, d’optimiser les usages pour la distribution, le transport de l’eau et la pisciculture ; il intervient dans la gestion des fuites, la protection des sources et du stockage.
Les acteurs du privé partagent leurs expériences entre pays aux problèmes comparables.
M. Hamet Baby Ly – Président, Conseil intergouvernemental de l’UNESCO-PHI, Sénégal
Le Programme Hydrologiques International (PHI) permet le dialogue entre États membre en se focalisant sur la technique et l’impact sociologique de la gestion des bassins transfrontaliers.
Il entre aujourd’hui dans sa Phase 8.
M. Torgny Holmgren – Directeur exécutif, Stockholm International Water Institute
La Suède a mis en œuvre des processus durables pour l’eau :
- Par le création d’une base de savoir ;
- Par la mise en œuvre de liens entre les acteurs et ainsi rassembler les partenaires ;
- Par l’établissement d’un lien entre les eaux de source et les océans ;
- Par le rappel entre l’eau et la paix entre pays, surtout entre ceux qui partagent le même réservoir aquifère.