12e Comité Intergouvernemental de la Convention de 2005
sur la protection et la promotion de la diversité des expressions culturelles


Au-delà des points habituellement traités, deux éléments nouveaux à souligner : les réflexions mais aussi considérations opérationnelles que font émerger le numérique, et le souhait de développer les dialogues avec la société civile, ONG notamment.


Du 11 au 14 décembre 2018, tenue au siège de l’UNESCO de la 12e session du « Comité intergouvernemental pour la protection et la promotion de la diversité des expressions culturelles ». Ce Comité, composé de 24 pays, se réunit une fois par an, jusqu’à présent, le mois de décembre. Le projet de changer cette date, pour le mois de février de chaque année, sera proposé pour décision à la Conférence des Parties, en juin. Si la Conférence des Parties approuve cette proposition et en fait donc une décision, la 13e session du Comité Intergouvernemental aura lieu le mois de février 2020.


La Conférence des Parties, l’organe décisionnel, se réunit tous les deux ans, en juin.

Le Comité a pour objet la promotion et le suivi de la mise en œuvre de la Convention. Il vérifie que les réalisations de la Convention restent pertinentes dans un monde en constante évolution.

À la demande de la Conférence des Parties, il peut également élaborer et réviser les directives opérationnelles qui précisent les conditions d’application de la Convention.

A noter comme thème important mis en avant au cours de ces deux journées : la question incontournable du numérique, son utilisation dans le domaine culturel au service des industries créatives, les défis à relever, éthiques notamment.

Outre le rapport d’activité du Secrétariat et les rapports quadriennaux des Parties ont été soumis à discussion des projets des ONG pour lesquels sont sollicités des financements par le Fonds International pour la Diversité Culturelle.

Comme éléments nouveaux, on aura noté l’organisation d’une série de conférences/débats autour de sujets essentiels en rapport avec la Convention.


I Des Projets concrets approuvés pour être financés

Au final, huit projets ont été approuvés, on en rappellera ci-après l’objet, leurs promoteurs et le montant des financements obtenus :

  • Renforcement des capacités de travail en réseau et participation des organisations culturelles dans la conception et la mise en œuvre des politiques culturelles au Pérou, projet soutenu par l’ONG péruvienne « Solar », financement de 99 450 USD ;

  • développement d’une stratégie et d’une action commune des parties prenantes pour les droits de propriété intellectuelle dans les industries créatives et culturelles au Rwanda, projets soutenu pat l’ONG « Rwanda Arts Initiative » (RAI), financement de 94 780 USD ;

  • Évaluer la contribution économique et l’apport des industries culturelles au développement national au Antigua et Barbuda, projet soutenu par le Ministère de la culture d’Antigua-et-Barbuda, financement de 50 033 USD ;

  • Mise en réseau des artistes femmes et des opérateurs culturels dans les Caraïbe (Haïti, Cuba, Trinité-et-Tobago, Jamaïque, République Dominicaine, Barbade) pour la diffusion de l’art caribéen et le renforcement des capacités des professionnels haïtiens, projet régional soumis par Haïti, financement de 100 000 USD ;

  • Évaluer l’impact du Festival de Film de Sarajevo sur le développement culturel, économique et social de Bosnie – Herzégovine, projet soutenu par l’ONG « Obala Art Center » de Bosnie –Herzégovine, financement de 49 040 USD ;

  • Structurer les acteurs des cultures urbaines en vue de la création de la maison des cultures urbaines de Kinshasa, projet soutenu par l’ONG « Racine Alternative ASBL » , financement de 52 720 USD ;

  • Promouvoir le secteur culturel de Mongolie en renforçant la capacité d’élaboration des politiques culturelles du pays, projet soutenu par l’ONG mongole « Creative Industry Innovation Center », financement de 94 040 US ;

  • La diversité culturelle comme ressource pour le développement de la jeunesse au Gaza, projet soutenu par l’ONG de Palestine « Basma Society for Culture and Arts », financement de 90 815 USD.


II Deux préoccupations constantes, ces derniers temps : les rapports périodiques, les moyens du Secrétariat

La soumission des rapports périodiques reste problématique. On rappellera que chaque État Partie doit soumettre un rapport tous les 4 ans. Par exemple, des 12 rapports attendus en 2018, seulement 3 ont été présentés : Azerbaïdjan, République Tchèque et République de Corée. 9 pays n’ont pas remis leur rapport : Ukraine, aucun pays du groupe III, Amérique du Sud (Bahamas, Haïti, Honduras, Trinité-et-Tobago), aucun pays du groupe Va, Afrique (Guinée équatoriale, Lesotho, Malawi, République démocratique du Congo). 10 autres pays retardataires (dont les rapports étaient attendus pour les années précédentes) ont soumis leur rapport : Barbade, Belgique, Croatie, Djibouti, Hongrie, Irak, Luxembourg, Niger, Palestine, République Démocratique Lao.

Si le manque de capacités de rédaction de ces rapports périodiques peut être un élément d’explication pour certains pays en développement, des outils existent pour aider à surmonter ces difficultés comme le programme de renforcement des capacités pour l’élaboration des rapports périodiques dont 21 Parties ont bénéficié depuis 2015: Madagascar (2015); Barbade, Djibouti, Équateur, Eswatini, Namibie, Palestine (2016) ; Bénin, Comores, Côte d’Ivoire, Guinée, Kenya, Mozambique, Nigéria, République démocratique populaire Lao, Tadjikistan, Togo (2017) ; El Salvador, Gabon, Niger et Panama (2018).

Le Comité a discuté, par ailleurs, d’une révision des directives opérationnelles concernant les rapports quadriennaux, pour aller dans le sens d’une simplification de la structure de ces rapports. Une proposition i sera soumise à décision lors de la prochaine Conférences des Parties, en juin 2019.

Concernant le Rapport du Secrétariat sur ses activités pour l’année 2018, le CIG encourage les Parties à fournir des ressources extra-budgétaires pour le programme de renforcement des capacités du Secrétariat et la mise en œuvre du Système de gestion des connaissances (SGC), de la Plateforme de suivi des politiques (PSP), et à soutenir le renforcement du Secrétariat par la nomination d’experts associés ou le détachement de personnel pour la mise en œuvre de la Convention.


III Une feuille de route « les industries créatives et le numérique »

Cette année, les représentants des 24 Parties qui siègent au Comité de la Convention de 2005 ont adopté une feuille de route pour aider à définir la mise en œuvre des politiques et mesures qui soutiennent les industries créatives dans l’environnement numérique. Les Parties sont invitées à s’en inspirer pour élaborer leur propre démarche en fonction des moyens dont elles disposent. 


A noter que cette feuille de route, conformément à l’une des grandes préoccupations de l’Unesco en la matière, aborde la question des défis éthiques posés par l’intelligence artificielle, l’automatisation de la créativité et la capacité du secteur à soutenir des emplois décents.

Ce document contient ainsi plusieurs recommandations relevant du numérique qui répondent bien aux quatre objectifs principaux de la Convention de 2005 :
En rapport avec le premier objectif de la Convention de 2005, (soutenir de systèmes de gouvernance durables pour la culture), quelques mesures recommandées sont, par exemple :

  • concevoir, réviser ou mettre en œuvre des politiques culturelles, des stratégies sectorielles, des plans d’action pour soutenir les secteurs culturels et créatifs dans l’environnement numérique ;
  • réaliser des études et collecter des données sur la traçabilité et l’accessibilité aux diverses expressions créatives, sur la rémunération équitable des créateurs dans l’environnement créatif et sur l’utilisation des métadonnées dans différents secteurs créatifs.

Se rattachant au deuxième objectif (circulation équilibrée des biens et services culturels et mobilité accrue des artistes et des professionnels de la culture) une recommandation propose de négocier des clauses culturelles dans les accords de commerce et d’investissement portant sur le commerce électronique et les produits numériques afin de reconnaître la double nature des biens et services culturels.

Pour le troisième objectif : (intégrer la culture dans le développement durable), une des recommandations serait : mettre en place des programmes de formation pour renforcer les aptitudes et compétences numériques des secteurs culturels et créatifs afin de participer au changement en cours dans la chaîne de valeurs culturelles.

Relève du quatrième objectif : (promouvoir les droits de l’homme et les libertés fondamentales) la proposition d’introduire la dimension du numérique dans le traitement de ce sujet :

  • adopter ou renforcer les politiques visant à autonomiser les femmes et les filles, assurer leur participation effective et l’égalité des chances dans le secteur créatif et culturel numérique ;

  • revoir la législation pour lutter contre le cyberharcèlement, le trolling en ligne et les attaques ciblées, en particulier contre les femmes artistes sur les plateformes numériques.


IV Une évolution de l’esprit dans lequel s’organisent les échanges : Conférences, Dialogue et coopération avec la Société civile

Cette 12ème session du CIG de la Convention 2005 parait avoir consacré un changement d’approche : L’événement annuel ne se limite plus aux travaux du Comité intergouvernemental de la Convention, c’est à dire des 24 membres permanents et des observateurs (les autres pays et les ONG présents à l’UNESCO). Comme l’a montré l’organisation des conférences/débats, un dialogue plus soutenu avec la société civile en général est maintenant souhaité autour des thèmes qui relèvent de la Convention, un large dialogue auquel pourront prendre part les professionnels (les artistes, les diffuseurs etc), les chercheurs, les ONG.

Cette 12e session du CIG illustre bien cette orientation nouvelle avec par exemple l’organisation d’une série de conférences publiques sous un intitulé commun «  Créer|2030 ». Le but ici était de montrer qu’investir dans la créativité peut aider à la réalisation de certains des objectifs de l’Agenda 2030 pour le développement durable. Les titres (et thèmes) des 4 conférences ont été : – « You Are Next : Les femmes dans les arts numériques » ; – « L’intelligence artificielle : un nouvel environnement de travail pour les créateurs ? » ; – « Qu’est-ce que la liberté artistique pour vous ? » et – « La société civile : partenaire du changement dans la gouvernance de la culture ».

Deux thèmes principaux ont donc été à l’honneur, tant pour ces conférences que pour les travaux des 24 pays du CIG : l’intelligence artificielle et la créativité numérique.

La participation de la société civile aux travaux des organes directeurs de la Convention de 2005 (IGC et Conférence des Parties) est une autre idée qui fait son chemin dans le sens d’une plus grande ouverture. Un comité de pilotage intérimaire des ONG travaille actuellement à la coordination de la participation des ONG aux travaux des organes directeurs et, en marge de la 7e Conférence des Parties de juin 2019, le deuxième Forum de la société civile sera organisé. Une implication plus forte de la société civile est attendue à cette occasion.


Pour plus de précisions consulter le site de l’UNESCO : https://fr.unesco.org/creativity/

Oana Barsan