Dans le cadre de l’initiative « Les futurs de l’éducation » de l’UNESCO, le webinar visait à explorer les transformations profondes – des sociétés, des politiques, des économies et des cultures – dont l’avenir peut être porteur à la lumière de la crise de la Covid-19. La pandémie a en effet bouleversé les futurs qui avaient été anticipés dans le monde entier. Elle nous incite à réfléchir à ce moment de l’histoire de l’humanité, fait d’opportunités et de responsabilité de repenser l’avenir en vue de « Protéger et transformer l’éducation pour des futurs partagés et une humanité en commun ».

Trois membres de la Commission internationale sur les futurs de l’éducation se sont exprimés sur les enseignements qui peuvent d’ores et déjà être tirés de la crise de la Covid-19 et sur les transformations futures de l’humanité et de la planète qui peuvent devenir possibles :

  • M. Abdel Basset Ben Hassen, Président, Institut arabe des droits de l’homme, Tunisie ;
  • M. António Nóvoa, Ambassadeur du Portugal auprès de l’UNESCO ;
  • Mme Vaira Vike-Freiberga, Présidente, World Leadership Alliance / Club de Madrid et ancienne présidente de la Lettonie.

Mme Stefania Giannini, UNESCO, Assistante Directrice Générale Education, a ouvert la session et a en assuré la conclusion. M. Sobhi Tawil, chef du Programme de Recherche et de Prospective en Education, au sein du Secteur de l’éducation de l’UNESCO, animait la discussion.

Ouverture : Mme Giannini 

« Aujourd’hui nous vivons une crise dramatique. Au-delà du Covid-19, nous sommes incapables de prévoir le futur et nous expérimentons la précarité de notre société. C’est une épreuve pour nous humains. Mais cette crise est aussi un tournant qui nous donne l’occasion de repenser nos modèles de vie, et ré-imaginer le futur, en particulier celui des fondements de l’éducation. Il y a une intelligence collective, une intelligence solidaire, des processus à étudier ensemble, d’où la mission de la Commission Internationale sur les futurs de l’éducation.« 

Mme Vaira Vike-Freiberga : La crise montre le rôle fondamental des familles, des institutions sociales et culturelles

Quelles leçons tirer de la fermeture des établissements scolaires ? Il y a un côté positif : les états ont perfectionné rapidement des techniques d’apprentissage à distance. Ces approches souvent créatives devraient être partagées avec les pays de langue commune comme ceux de la francophonie et aussi inclure les parents qui pourraient ainsi profiter de ces ressources partagées avec leurs enfants (éducation tout au long de la vie, de 6 ans à 70 ans !). Ces ressources ne doivent pas disparaître.

M. Abdel Basset Ben Hassen : La crise transforme aussi relations entre l’Etat et les citoyens

Elle pose des défis et des débats éthiques : protéger la vie ou l’économie ? Elle révèle les dysfonctionnements des systèmes politiques, dans plusieurs pays les difficultés d’accès à la santé, les violences faites aux femmes, aux réfugiés et aux migrants. Elle relance le débat sur le sens et les devoirs de l’Etat (rassurer, protéger), sur les relations entre Etat et citoyens, les questions de démocratie dans la lutte contre la pandémie. Des idées se développent pour grand mouvement solidaire, pour un changement de société : la politique doit être un outil de refondation de la vie, et nous aider à repenser notre vie et celle des autres. L’éducation y joue un rôle fondamental, elle doit être au cœur, il faut investir dans l’éducation comme bien commun.

M. António Nóvoa : La crise pose la question du modèle scolaire

Aujourd’hui l’école est fragmentée avec les plateformes digitales et le retour des apprentissages à l’intérieur de la famille. Il est impossible de maintenir ce modèle. Il faut reconstruire l’école en tant qu’espace commun physique mais en prenant en compte :

  • Une diversité d’espaces pour l’éducation, une suite d’espaces comme une « immense bibliothèque » où on peut être seul mais avec des collègues ;
  • Une diversité des rythmes scolaires ;
  • Repenser la structure didactique : on travaille, on étudie, on recherche… ;
  • Refaire le curriculum : revaloriser d’autres manières d’apprendre, promouvoir les sciences et la culture scientifique, développer la solidarité, le vivre ensemble avec les autres et avec la terre.

Il est nécessaire que soit renforcé les compétences des enseignants, et que soient respectés à la fois les curriculums et un degré d’autonomie des enseignants. L’éducation doit être considérée comme un bien commun qui développe la collaboration, la coopération et la citoyenneté comme appartenance commune.

Mme Vaira Vike-Freiberga : Qu’est-ce que participer à la société en tant que citoyen ?

La citoyenneté, c’est l’appartenance à une communauté et à vivre ensemble avec les autres avec les mêmes lois. L’alphabétisation – apprendre à lire, à écrire – est nécessaire, de même apprendre à vivre avec les autres est nécessaire. La pandémie et le confinement ont à cet égard un effet négatif. On constate de plus en plus de violence envers les autres directement et par internet. Une des sources de cette dérive est le manque de formation, l’individu se développe comme antisocial. L’éducation formelle doit être complétée par d’autres types d’apprentissages en particulier par une formation à la citoyenneté, au savoir-vivre, et au respect des autres, c’est l’objectif de la socialisation.

M. Abdel Basset Ben Hassen : De quelle citoyenneté parlons-nous ?

Est-ce de citoyenneté mondiale ? Il faut développer une nouvelle citoyenneté avec deux critères :

  • Celui de la participation aux prises de décisions, au développement des capacités à agir qui permettre à chacun de jouir de sa dignité ;
  • Celui du sens de l’universalité, c’est à dire de l’existence d’un espace commun (un espace politique) où sont respectés les droits humains pour toutes les personnes, handicapés, émigrés…

M. António Nóvoa: Reconfigurer le modèle scolaire ? Plusieurs réflexions

  • Les différences Nord-Sud demandent un immense travail ;
  • Il faut reconnaître l’importance de l’éducation informelle ;
  • Sur la question de la diversité : nous sommes « commun », mais à partir de nos diversités ;
  • Que peut faire de mieux l’école? Apprendre à travailler, à penser, à vivre avec les autres ? ;
  • Qu’elle soit une école portée vers l’avenir : un curriculum qui soit moins une encyclopédie de contenus, plus porté sur les langues, une école qui soit un lieu de pensée ouvert ;
  • Il y a un besoin d’enseignants bien formés, les universités ont ici un rôle critique.

Dernières réflexions communes 

Nous sommes en constante évolution, la pandémie oblige à une accélération pour s’adapter aux changements. Il y a une opportunité à saisir dans le malheur pour renforcer les dynamiques, créer des alliances, lutter contre les cultures de la violence, les guerres, combattre les inégalités. Il y a en même temps une tension forte de ne rien changer, une possible désintégration de l’école, de sa privatisation. Il faut poursuivre la réflexion sur le rôle des enseignants et sur la condition enseignante. Poursuivre l’ensemble des réflexions évoquées au cours du Webinar est l’objectif « d’apprendre à devenir ».

Conclusion : Mme Giannini : La réponse de l’UNESCO ?

Elle vise à être rapide et agile, avec trois principes : la solidarité avec les Etats, la créativité (mise en place de la Coalition Globale, changer de modèle), l’intégration pour aller au-delà.