Restitution à propos des réunions publiques virtuelles de la session extraordinaire du CIB, de la session conjointe du CIB (Comité International de Bioéthique) et du CIGB (Comité Intergouvernemental de Bioéthique), et de la session extraordinaire de la COMEST (Commission Mondiale d’Ethique des connaissances Scientifiques et des Technologies), intervenues les 23 et 24 février 2021.

Quatre Thèmes discutés : Ethique des neuro technologies, Protection des générations futures au regard de la santé, Ethique de l’Internet des objets, Usage de la Terre.

Idées mises en évidence : de grandes avancées mais aussi des Risques avérés pour l’Humain et la Planète, des Risques qui appellent à la vigilance, au sens de nos responsabilité, notamment à l’égard des générations futures et en considération de l’intégrité de l’espèce humaine et de son environnement. A l’évidence des règles s’imposent, règles déontologiques, comportementales et juridiques, éthiques.


Les réunions sont introduites par Gabriela Ramos, ADG pour l’UNESCO du Secteur des Sciences Humaines et Sociales (SHS) et présidées par Madame Alejandra de Bellis, Présidente du CIGB, en lien avec Hervé Chneiweiss (Président du CIB) et Peter-Paul Verbeek (Président de la COMEST).

En ouverture de session, Gabriela Ramos mentionne l’impact de la pandémie avec des effets à long terme en particulier sur les inégalités de genre.

Alejandra de Bellis souligne à son tour les effets négatifs de la pandémie avec le renforcement des inégalités et la nécessité de se mobiliser sur le terrain en faveur des populations vulnérables (éducation, renforcement de l’esprit critique, lutte contre les fake news…), l’importance de l’éthique des sciences comme guide des travaux des présentes sessions, avec un indispensable alignement sur les droits de l’homme.

Hervé Chneiweiss mentionne également l’impact de l’épidémie sur les populations vulnérables et souligne la nécessité d’une démarche globale d’éthique et d’actions autour d’un socle commun de valeurs (droits de l’homme, science ouverte, importance de l’éducation aux sciences…).

Paul Verbeek préconise des travaux sur l’éthique à partir d’une concertation ascendante au niveau mondial, sur la technologie et les sociétés.

Alejandra de Bellis, en tant que Présidente du CIGB, insiste sur l’importance des réflexions concernant la bioéthique et l’éthique de la science. Elle rappelle la nécessité de communiquer massivement sur ces sujets pour renforcer leur impact.

Dafna Feinholz (bioéthique et éthique de la science, Secteur SHS) passe en vue les travaux réalisés depuis 2019, citant notamment les recommandations sur l’éthique de l’Intelligence Artificielle (IA) et les nombreux partenariats engagés en matière de réflexion sur les bioéthiques (responsabilité dans le domaine de la santé, reproduction assistée, science génomique et IA, édition génomique…).
Parmi les questions posées par l’assistance, différents sujets sont abordés : partage des données scientifiques entre états, informations sur les biais des algorithmes compte tenu de l’insuffisance des représentations liées au genre et au racisme.

Avant de passer la parole au Président du CIB, Gabriela Ramos rappelle que les projets de rapports sur les thèmes retenus (Responsabilité vis-à-vis des générations futures, Ethique des neuro technologies, Ethique des usages de la terre, et Implications éthiques de l’internet des objets) ont été mis en ligne sur le site UNESCO, pour pouvoir être discutés en session.

Hervé Chneiweiss introduit les échanges qui ont porté sur les deux rapports du CIB en en présentant la synthèse à partir de plusieurs transparents.

L’éthiques des neurosciences

S’agissant des aspects éthiques des neurosciences, il souligne à la fois l’utilité et les risques des neurotechnologies.

Dans le domaine de la santé, les neuro technologies (imagerie cérébrale, neuro dispositifs, interfaces cerveau machine ; recours à l’IA et aux algorithmes…) offrent des traitements et des actions préventives aux personnes souffrant de maladies neurologiques (Parkinson, épilepsie, dépression, AVC, sclérose en plaque ; paralysies).
Mais, les neuro technologies sont utilisées de façon plus critiquable dans d’autres domaines que ceux de la santé, dans l’industrie notamment (conception d’outils marketings ; informatique affective avec les robots de substitution, application de loisirs avec les jeux ; domaine militaire).

L’impératif d’encadrement éthique des neurosciences

Les principes d’éthique à respecter sont liés aux droits de l’homme : dignité humaine, identité personnelle, autonomie et libre arbitre (manipulations intrusives), vie privée mentale (caractère personnel des données cérébrales), accessibilité et justice sociale, protection contre les biais, protection contre tout marketing agressif….


Une vigilance particulière est nécessaire, s’agissant des interventions à visée non thérapeutique (à des fins d’amélioration neurocognitives), comme les implants cérébraux (interface cerveau machine, smartphones)…


Dans le domaine de la recherche médicale en neurosciences, l’éthique doit être liée à la protection des patients (recherche du consentement, analyse risques/avantages) avec la validation préalable par un comité d’éthique. La question est jusqu’où ne pas aller trop loin… Il est important de protéger les populations vulnérables (enfants et adolescents dont le cerveau est en devenir).

Le questionnement sur l’évolution éventuelle du droit, face au risque de dérives.

Faut-il envisager une limitation de la notion de responsabilité individuelle, si le libre arbitre disparaît (risque d’utilisation non consensuelle et coercitive des neuro technologies ; projets de transhumanisme…) ? La réponse est négative, l’homme doit conserver son libre arbitre (cf. science au service de l’homme).
La question de la reconnaissance de nouveaux droits se pose, avec les neuro droits (droits à l’intégrité et à la continuité cérébrale, droit à l’égalité d’accès…).
Un cadre de recherche et d’innovation responsable est à promouvoir.

Des recommandations à préconiser

La déclaration universelle des droits de l’homme (Nations Unies) est à compléter par un nouveau chapitre « droits de l’Homme et neurosciences » intégrant les principes d’éthique protectrice (liberté de penser par soi-même…). Il convient de faire approuver un code de conduite par l’industrie et la recherche.

Des échanges avec l’assistance, on aura retenu les points suivants :
  • Insistance sur la distinction à opérer entre les avancées permises par les thérapies en neuroscience et les innovations promues pour l’amélioration des performances (transhumanisme, sports…) qui sont à encadrer strictement.
  • La généralisation de l’éducation aux sciences permettra aux sociétés de prendre conscience des enjeux des neurosciences.
  • Interrogations quant à l’élaboration d’un cadre juridique protecteur prohibant les manipulations génétiques en violation de la dignité humaine. Faut-il reconnaître un droit à être pris en charge (handicap…) ?
  • Le Délégué du Saint Siège, se plaçant d’un point de vue philosophique, souhaite ne pas glisser de l’éthique (bien ou mal) au droit (juste et injuste) ; il appelle au respect de la distinction entre le corps et l’âme.

La Protection des générations futures

Concernant le rapport sur la Protection des générations futures, le Président du CIB en a rappelé les principales idées :

  • La notion de solidarité intergénérationnelle dans le domaine de la santé (respect de l’intégrité génétique de l’espèce humaine) et dans celui des questions sociales (prise en compte des déterminants sociaux de la santé) doit être reconnue.
  • Le concept qui est nouveau, complète l’approche liée au développement durable (réchauffement climatique, perte de biodiversité…).
  • Les avancées comme les risques résultant du progrès des technologies du génome, doivent être soulignés ; la prise en compte des déterminants sociaux de la santé ouvre des perspectives pour ce qui est la solidarité intergénérationnelle (les générations présentes soucieuses des futures).
  • Autre progrès notable, l’édition génomique (modifications des caractéristiques des gènes) est utilisée avec succès dans de nombreuses thérapies géniques complexes (leucémies…).
  • A l’inverse, des interventions aux effets escomptés positifs peuvent entraîner des risques pour l’intégrité de l’espèce humaine (eugénisme, transhumanisme… : possibilités d’extension excessive à des fins d’amélioration (stimulation des performances chez les individus en bonne santé) ; technologies du génome de la lignée germinale (gamètes, embryons) permettant d’influer sur les caractéristiques humaines (résistance accrue aux maladies, cancer, infection), et rendant possible la prévention des maladies transmissibles (FIV). De même, l’accès aux données génomiques (informations sur l’ADN des personnes) et les analyses génétiques liées, permettent de prédire les risques de maladie d’un patient et de sa descendance et posent ici des questions essentielles.
  • La prise en compte des déterminants sociaux de la santé (alimentation, accès à l’eau, éducation, logement…) dans la lutte contre les inégalités sanitaires (pays pauvres, groupes marginalisés au sein des pays riches) contribuera à l’équité en matière de santé à l’égard des générations futures, et à renforcer les actions de prévention.
  • Un cadre éthique protecteur des générations futures doit être défini dans le prolongement de la déclaration de l’UNESCO de 1997, précisant les conditions de mise en œuvre de l’ingénierie génomique.
  • La notion de responsabilité individuelle et collective, et le devoir de précaution vis-à-vis des générations futures (risques de dérive eugénique) doivent être reconnus. Les risques sur les générations futures des technologies d’édition du génome (thérapie génique des cellules de la lignée germinale) doivent être contenus ; il en va de même des possibilités de divulgation des données génomiques des générations futures avec le dépistage prédictif des maladies de l’enfant.
  • Des recommandations sont à faire accepter.
  • Prévenir les risques de dérive liés aux technologies d’édition du génome, en préconisant un moratoire avec interdiction de toute recherche sur la transgenèse humaine assimilable à l’eugénisme.
  • Reconnaître l’urgence de s’attaquer aux déterminants sociaux de la santé, au bénéfice des générations présentes et futures, avec la mise en œuvre de mesures opérationnelles (revenu de base universel, système de santé universel, accès aux soins à un coût abordable…).
Dans les échanges qui suivent, les points suivants peuvent être mentionnés :
  • L’importance du défi représenté par la mise en œuvre au niveau mondial de mesures de protection sociale (revenu universel, égalité d’accès aux soins de santé…) en faveur des générations actuelles et futures.
  • Le principe de responsabilité partagée (individuelle et collective) à l’égard des sciences médicales en particulier génétiques est à préciser au regard du principe de précaution. Les possibilités de dérive issues des techniques d’édition du génome sont à encadrer strictement.
  • L’importance de l’éducation aux sciences, avec une action de vulgarisation des perspectives issues de la neurologie et des gènes.

Ces échanges liés aux avancées et aux risques issus des neuro technologies et de l’ingénierie génomique permettent de mieux se positionner en faveur du respect de l’intégrité humaine et des droits de l’homme, vis-à-vis des générations actuelles et futures. L’importance de l’éducation aux sciences est au cœur d’un véritable défi pour s’opposer aux dérives (transhumanisme, eugénisme). La protection des personnes vulnérables (enfants) est centrale.

La journée du mercredi 24 février 2021 a été consacrée aux débats sur les rapports de la COMEST (usages de la terre, implication éthique de l’internet des objets) ; les lignes de conduite à respecter sont de la même façon qu’au cours de la séance du mardi 23, orientées sur le respect des droits de l’homme, l’intégrité de la personne humaine, le défi du développement durable.
La session s’est ouverte avec un débat sur l’éthique mondiale de la gestion de l’épidémie de Covid 19 (égalité dans l’accès aux vaccins et aux soins : déclaration de l’Unesco sur la solidarité vaccinale ; opération Covax, partenariat autour de l’OMS pour une distribution équitable des vaccins à l’échelle mondiale en faveur des pays pauvres).