Webinaire organisé par le Secteur Education qui a donné la parole aux jeunes sur un sujet de grande importance pour eux, l’Education dans son rapport pratique avec la Technologie utilisée de plus en plus comme moyen pour enseigner. Objectif : recueillir leur avis sur les perspectives à long terme.

Observation préalable : face aux bouleversements induits par la Technologie, une invitation adressée aux jeunes pour penser l’avenir de l’Education

Les avancées dans les communications numériques et l’intelligence artificielle sont partout présentes et induisent des transformations parfois radicales de la façon dont nous vivons, travaillons, communiquons, accédons aux savoirs ; l’ensemble des domaines touchant à l’éducation ne fait pas exception. Tandis que ces bouleversements technologiques laissent espérer de réelles améliorations pour le bien être humain, ils soulèvent dans bien des domaines de sérieuses questions éthiques, sociales et politiques.

Les troubles causés par la pandémie Covid 19, ont mis en lumière cette ambivalence et révélé voire aggravé la fragilité et les incertitudes de nos sociétés en dépit des progrès techniques. Ce choc de très grande ampleur n’a fait que renforcer partout et dans tous les domaines l’urgence et la nécessité de considérer ce que pourrait ou devrait être le futur lointain afin d’orienter nos actions au présent.

Dans cette optique, pour l’élaboration d’une vision prospective, tout particulièrement sur le terrain de l’Education sur lequel l’Unesco travaille activement, il apparaît que jusqu’à présent « La voix des jeunes » n’a pas été suffisamment entendue, c’est ce constat qui a justifié l’organisation du présent webinaire structuré autour d’une série d’entretiens conçus pour les jeunes et par les jeunes : une heure trente d’échanges où des jeunes ont été invités à donner leur avis sur ce que devrait être l’éducation l’horizon 2050 et au delà.

Les participants (des jeunes très impliqués sur le Forum des jeunes qu’organise régulièrement l’UNESCO) ont ainsi discuté des différents moyens mobilisables pour faire progresser l’agenda du développement durable grâce aux technologies, particulièrement dans le domaine de l’Education (ODD4), pour rendre les systèmes d’éducatifs plus équitables et plus inclusifs.

Les échanges : observation, constat, avis , propositions

Le webinaire a été largement suivi, horizons géographiques divers (vu notamment au travers du suivi « du chat »), âges variés.

Les jeunes qui sont intervenu à l’écran semblent relativement favorisés et instruits, maîtres des outils informatiques et à l’aise dans la communication. Où sont les autres ? Ceux qui voudraient accéder aux apprentissages de base et à une scolarité sécurisée et continue ? Ceux qui « utilisent encore des cahiers », comme cela a été dit par certains pros de l’informatique, disant vivre dans « un monde sans obstacles » « travaillant en commun au-delà des frontières ». Il n’était évidemment pas possible d’avoir une représentation exhaustive de toutes les populations scolaires, mais l’échange aurait été peut être plus riche s’il y avait eu une plus grande diversité de participants : jeunes à l’écart des outils modernes, handicapés soit exclus de ce nouvel âge du numérique ou, au contraire ayant l’opportunité de montrer les apports de certains outils innovants.

L’éducation est présentée comme « une énergie renouvelable » par ces « témoins de la 4ème révolution industrielle » pour laquelle « les décideurs doivent lutter contre les inégalités numériques » en favorisant « l’accès à un débit internet assez rapide » l’accès en lui-même paraissant considéré comme acquis. « La gratuité des matériels » serait une bonne chose puisque « le potentiel est partout, alors que l’éducation pour tous n’est pas réalisée faute d’infrastructures wifi, 5G, comme la pandémie l’a montré » (Ils ont oublié l’accès généralisé à l’énergie- l’électricité – ce qui est pourtant la base). Ces observations rejoignent bien celles qui ont déjà pu être émises au sein des GT sur l’Education avec notamment l’idée de promouvoir une sorte de droit à la connectivité.

Il a été rappelé aussi à quel point dans beaucoup de pays les filles payent toujours le prix fort en matière « d’inégalité d’éducation » et cette situation ne semble pas vraiment se corriger avec l’aide des outils numériques.

Autre observation émise : avec la pandémie et l’enseignement à distance on a fait le constat qu’il faut encore plus de professeurs, pour suivre les élèves et les étudiants de manière personnalisée, respectant en même temps « l’anonymat des données » et étant « formés à l’empathie ». Au demeurant, est ici ressorti un double souhait quelque peu contradictoire : plus de professeurs pour des relations plus empreintes d’empathie et personnalisées -ce qui suppose une connaissance « vraie » de l’élève- et souhait d’un anonymat des données. Sans doute peut on éviter cette incompatibilité dans les enseignements à distance en prenant des mesures appropriées, reste néanmoins à retenir le souhait d’avoir des enseignements suffisamment personnalisés, ce qui, indiscutablement met en exergue le besoin d’enseignements en « face à face » ou en « présentiel ».

Utiliser les MOOC pour former les jeunes à des compétences, favoriser « l’Open source » pour ne pas dépendre de plateformes privées, et le recours aux micro enseignements de quelques minutes ont été évoqués comme des techniques pouvant présenter une utilité ; resterait à mener plus loin l’analyse de ces techniques ou méthodes de travail nouvelles qui pour présenter certains avantages comportent des inconvénients devant sans doute amener à en mesurer l’usage.

Points soulignés avec insistance, sujets sensibles, déclaration de principe, questionnements 

Ci-après, on reprend entre guillemets certaines expressions ayant retenu notre attention :

« Etre plus humains tout en étant numériques » car « l’humain est au centre. »

Observations assez classiques qui auraient gagné à être approfondies d’autant plus que….

Curieusement, dans le même temps il a été suggéré de « travailler avec des avatars » car la « réalité virtuelle permet d’expérimenter le monde sans reproduire ce qui existe » Or l’Homme existe bel et bien. En dehors du côté un peu énigmatique de la suggestion (que sont ces avatars appliqués à l’Education ?), on peut voir ici aussi comme une contradiction entre la proposition tout à fait juste de préserver l’humain et cette idée d’introduire des avatars, de miser sur le virtuel. Peut-être qu’ici, sans l’avoir traité expressément, ceux qui ont avancé ces idées ont fait ressortir l’un des sujets les plus importants se rapportant à l’irruption des technologies nouvelles dans l’Education, à savoir le traitement du Réel (l’expérience du réel, la vision du réel), quelle lumière doit donner l’Education avec quels moyens pour quels effets escomptés ?

« Modifier le cadre juridique et faire gratuitement si possible » exemple : « Avoir une éducation qui demande la permission car on ne peut pas forcer les gens à énoncer leurs besoins selon leur identité, citoyenneté etc … » A qui appartiennent les données collectées ? Comment les familles et les apprenants peuvent être certains que ce ne sera pas mal utilisé ? L’anonymat pour réduire les risques, est-ce possible ?« 

Il y eu ici de nombreuses questions posées, qui sont loin d’avoir trouvé leur réponse au terme de ces échanges, mais elles ont eu le mérite de traduire de réelles préoccupations et de renvoyer à des thèmes qui seront centraux dans les années à venir parce qu’ils touchent aux valeurs (l’identité, la liberté, le respect des personnes, éducation gratuite etc) et peuvent être impactés par les techniques (en bien ou en mal).

Afin de tirer les enseignements de l’année écoulée, il faudrait que les enseignants, les étudiants, les élèves, les politiques etc., fassent un bilan que ce soit en positif ou en négatif, propose le modérateur. Car les jeunes savent ce qui a été perdu.

La discussion a permis l’expression de nombreux constats intéressants : pas de co-création d’idées, pas d’émulation, difficile équilibrage entre réel et virtuel, mais l’échange n’est pas allé jusqu’à la formulation de propositions. Il n’y a pas eu à proprement parler émulation avec confrontation d’idées divergentes ou complémentaires. On aura relevé enfin, la difficulté à faire ressortir une sorte d’optimum dans l’équilibre que les systèmes éducatifs vont devoir trouver entre le virtuel(technologique) et le réel. Beaucoup de technologies visent des individus et non des communautés d’apprenants, et ce point de la relation des individus en tant que personnes avec la technologie est de toute première importance dans le domaine de l’Education, il aurait peut être gagné à être traité de façon plus approfondie.

On aura noté enfin que, s’agissant du contenu des sujets éducatifs appelés à être de plus en plus soutenu par la technologie, l’accent a été particulièrement mis sur les apprentissages professionnels lesquels visent à répondre aux exigences du marché du travail, or ce dernier est en pleine mutation pour un futur difficile à appréhender. Beaucoup de questions ont été posées à ce sujet : « Les étudiants Iront-ils de l’université au chômage ? » Quelle place pour « les compétences acquises par le vécu » au-delà des seules connaissances acquises et validées par les diplômes ? Faut- il orienter les études selon « l’avis des employeurs pour être en adéquation avec le marché  du travail ? ». Il faut « une adaptabilité au contexte » car il n’y a « pas de solution magique ». Les technologies ne se substituent pas à l’apprentissage « elles devraient favoriser l’équilibre entre l’apprentissage et l’éducation formelle » …. « Etre une aide pour plus d’autonomie et non des gadgets. »

Selon nous, quelques autres sujets auraient pu être traités à propos de l’Education vue dans le long terme comme par exemple, les Humanités, l’Enseignement artistique, les aptitudes à s’exprimer et à argumenter etc….mais peut être que là on aurait été hors sujet, tant ces matières paraissent ne pas pouvoir véritablement bien être traitées par les technologies.

Question CCIC posée au moyen du Chat : « La pandémie ne devrait elle pas nous rappeler que l’imprévisibilité fait partie de la vie et de l’éducation ? »

Françoise MEAUZE, représentante de la Fédération des Associations Familiales Catholiques Européennes.