Les interventions des orateurs (70 au total) ont été assez en phase avec celle de la Directrice générale, Mme Azoulay. Au-delà de propos assez souvent répétés, qui n’ont rien de nouveau (rappel des missions irremplaçables de l’UNESCO au service de la Paix, de la Justice, du Bien commun, des Droits de l’Homme, l’attachement au multilatéralisme et au maintien de dialogues apaisés non pollués par la politisation etc.), on discerne dans les discours un assez large soutien à la Directrice générale et certaines inflexions, des prises de position ou des observations qui suggèrent des changements allant plutôt dans le sens d’une amélioration de la situation. L’approche de la Conférence générale peut expliquer cette évolution mais, sur cette toile de fond, on ne saurait omettre de mentionner certaines préoccupations exprimées et parfois, mais très modérément, des critiques ou divergences de vue.

Quelques observations générales

Dans l’ensemble, les délégués ont adressé comme un satisfecit à la Directrice générale pour son discours introductif très complet et engagé.

L’analyse de la situation – aussi bien à propos des défis que des risques – est partagée dans une large mesure, on souscrit aux quatre enjeux mis en évidence (cf le CR du discours de Mme Azoulay qui a fait ressortir les enjeux sous-jacents aux questions que posent l’Éducation, la Science et les Technologies, le Réchauffement climatique et le traitement de l’Information.

Les propositions d’ouverture de nouveaux chantiers sont unanimement approuvées (éthique de l’Intelligence Artificielle, la Science ouverte, le(s) futur(s) de l’Éducation, la définition d’une stratégie pour prévenir l’extrémisme violent notamment.

On félicite la Directrice générale pour les deux grands moments prévus lors de la Conférence générale avec l’organisation de deux réunions des Ministres de l’Éducation et de la Culture, de nombreux délégués ont annoncé la venue de leurs ministres.

D’une manière générale, les programmes ne font pas l’objet de critiques même si l’on invite à ne pas se disperser, à se centrer sur les missions du mandat de l’UNESCO et s’aligner sur l’agenda 2030 de l’ONU.

L’Éducation tient toujours une grande place dans les interventions des délégués et les nombreux thèmes évoqués en rapport avec le sujet lors du débat, comme en commissions (la violence, la citoyenneté globale, le développement durable, les questions de méthode et de contenu, l’avenir du Bureau International pour l’Education (BIE)) ont donné lieu à des réponses précises et bien argumentées de la part de l’ADG du secteur concerné.

Les idées de coopération et de transversalité sont fréquemment évoquées conformément aux orientations que se donne l’ONU pour toutes ses agences. A cet égard, beaucoup d’intervenants rappellent cette nécessité de bien se coordonner avec ce qui se fait à New York, notamment en matière stratégique, et saluent tout ce qui a été engagé à cet égard (implication de la Direction générale, création d’une section dédiée à cet objet notamment).

Le projet « transformation stratégique » est maintenant bien accepté, les efforts déployés pour associer pleinement les Etats (réunions d’information, consultations notamment) sont appréciés.
Invitation à poursuivre ces actions maintenant que l’on s’engage sur le pilier 3 du projet (les programmes).
La création d’un groupe de haut niveau, constitué de personnalités indépendantes appelées à conseiller la Directrice générale, ne fait plus l’objet d’observations critiques.

La question budgétaire est importante, mais son examen amène beaucoup moins que par le passé des propos alarmistes, et une majorité de délégations a apporté d’entrée son soutien au scenario recommandé par la Directrice générale qui prévoit l’enveloppe la plus élevée (534,6 millions de dollars). Lors des débats en commission, suite à la séance plénière, un consensus a finalement été obtenu sur la base de la dite enveloppe.

Il y a une large approbation en ce qui concerne les jeunes que l’on souhaite associer et impliquer davantage (le thème de la jeunesse sera le fil directeur de la prochaine Conférence générale).

Les orientations pour développer les partenariats sont plutôt bien accueillies, pour la visibilité que cela peut donner à l’Unesco (l’un des objectifs stratégiques affichés maintenant) mais aussi pour les complément de financement que cela assure ; cela étant rappelé, plusieurs délégués invitent à une certaine prudence, à ne pas considérer les financements extrabudgétaires comme un substitut au budget ordinaire, et autant que faire se peut à miser sur des financements non fléchés (non commandés par des intérêts propres). Concernant toujours les partenariats, on notera qu’on a parlé de collaboration « public-privé », cité la société civile mais sans mentionner les ONG. La question a été plus largement développée en commission à l’occasion de la discussion du point « dialogue pour un financement structuré » (les partenariats sont l’une des trois composantes de ce dialogue).

Les délégations de pays africains, soutenues par d’autres, évoquent toutes la priorité Afrique afin qu’elle soit confirmée comme de première importance, bien suivie, avec l’appui des bureaux du réseau hors siège que la réforme ONU UNESCO ne devrait pas mettre à mal, avec pleine prise en compte des orientations à long terme données par le plan 2063 de l’Union Africaine.

Compléments sur des points précis de l’ordre du jour (issus du débat plénier ou en commissions)

Les travaux de la COI et du PHI sont de plus en plus souvent mentionnés comme méritant d’être suivis, soutenus, car ils permettent de sensibiliser sur des problématiques d’une grande « criticité » pour bon nombre de pays, et singulièrement les Petits Etats Insulaires dont le programme spécialisé (PEID) a suscité beaucoup d’observations des pays concernés. Ces derniers sont en effet très soucieux des risques qu’ils encourent et de l’insuffisance des moyens dont ils disposent. Ils apprécient les aides qui leur sont apportées notamment pour accroître leurs capacités, ou pour engager des actions afin de prévenir les risques de catastrophes naturelles.

Informations données sur le programme Mémoire du Monde qui retient l’attention d’un certain nombre de délégués soucieux du risque d’une interruption prolongée des inscriptions au registre.

Allusion fréquente et longue discussion en commission à propos de la violence extrémiste ou des harcèlements. Large accord pour développer les actions préventives face à la montée des extrémismes auprès des jeunes. On adhère aux propositions que fait les secteur Éducation dans le cadre d’une réelle stratégie pour la Prévention de l’Extrémisme Violent. On insiste sur les autres points suivants : la formation des enseignants, le soin à apporter à la qualité des supports, la propagation des discours de haine notamment sur les réseaux sociaux, le sport et la musique comme de bons moyens de combattre ce fléau. Un plan d’action est prévu pour 2020.

Un délégué appelle à ne pas mélanger les genres en entrant sur le terrain de la sécurité et du combat contre le terrorisme qui relèvent d’organes de police nationaux ou internationaux (voir par exemple le Bureau de la lutte contre le terrorisme de l’ONU).

La Stratégie pour l’Alphabétisation des jeunes et des adultes (2020-2024)

L’objectif est de soutenir les initiatives des États dans le cadre d’une stratégie visant à amplifier les actions afin de promouvoir l’alphabétisation « tous azimuts » (les jeunes et les adultes, apprentissage des savoirs de base jusqu’au numérique, la capacité à interpréter et analyser), en mobilisant tous les acteurs appelés à coopérer (gouvernements, bibliothèques, universités etc.).

Insistance pour réduire le fossé entre les pays en développement et les pays développés. Certains intervenants appellent l’attention sur les populations les plus touchées par un phénomène qui reste de grande ampleur : les handicapés, mais aussi « les femmes et les jeunes fille » notamment en milieu rural. Un délégué met l’accent sur les minorités dont la langue doit être enseignée.

L’Alliance mondiale pour l’alphabétisation, avec l’aide de l’UIL de Hambourg, pourra être un appui utile aux actions qui seront entreprises. D’autres organes ont été cités comme pouvant jouer un rôle clef comme la Banque Mondiale avec laquelle l’UNESCO coopère.

Le Comité des Partenaires non Gouvernementaux

Le Président du Comité s’est félicité du bon travail de ce comité et, se référant à sa réunion du 11 octobre, il a livré un certain nombre d’observations suivies d’un projet de décision adopté sans débat.

Le propos tenu a été positif mais il est resté très général et il n’a pas été fait état précisément des actions entreprises autour des forums réalisés en coopération avec le Comité de liaison de la Conférence internationale des ONG, partenaire de l’UNESCO.

Le président a d’abord rappelé le rattachement des PNG au Bureau de la Stratégie et de la Planification, puis le rôle spécifique du Comité de Liaison et de sa Présidente pour faciliter un dialogue constructif avec ces organisations importantes qui sont des « cellules vivantes de la société civile ». Riches de leur diversité et de leur expérience du terrain, les ONG ont tout particulièrement leur place pour aider à la mise en œuvre des Programmes, et, en considérations de cette évidence – « j’en appelle à une prise de conscience de leur apport » dit-il. Le Président, qui va quitter sa fonction, a conclu son intervention en formant le vœu que s’améliorent les dialogues entre ONG, États et UNESCO avec l’aide des Commissions Nationales.

Certaines préoccupations exprimées

Certaines préoccupations ont été exprimées. Pour s’en tenir à l’essentiel, on citera :

  • La politique en matière de ressources humaines et certaines appréhensions concernant la mobilité, et la représentativité géographique (surtout au niveau du siège).
  • L’avenir du BIE et le traitement des sujets autour des programmes (curriculum) : quatre options proposées avec révision du statut et du mandat de cet institut jugé unanimement indispensable quant aux aides qu’il apporte à beaucoup d’États. Les échanges ont été longs et finalement assez peu constructifs. Il est convenu que les travaux se poursuivent pour que l’on dispose d’une feuille de route et d’informations supplémentaires qui seront soumises à la 209ème session du Conseil.
  • Même si les observations au sujet du réseauhors siège n’ont pas été nombreuses, elles dénotent des craintes réelles, notamment pour les implantations en Afrique.
  • Les préoccupations à propos du réseau s’inscrivent parmi celles que génère la réforme de l’ONU et notamment de l’organisation de son fonctionnement décentralisé au travers des agences. L’ADG en charge des relations extérieures et la Directrice générale ont apporté, en fin de session, des éléments d’information répondant aux interrogations, notamment en indiquant qu’actuellement la réforme des réseaux avec des correspondants résidents maintenant en charge de la coordination est déployée dans une centaine de pays. Il a aussi été indiqué qu’un rapport d’étape sera produit en 2020 et qu’une plateforme d’information est en cours de mise en place.
    Un délégué a déploré que le projet de Transformation stratégique commence à prendre du retard.
  • Les délégués des pays d’Afrique mettent en évidence leurs besoins en matière de science, science fondamentale comme science appliquée. Il y a là encore, un grand déficit qui nuit au développement. A de nombreuses reprises on a fait allusion à cette situation, et, au-delà du cas africain, on a appelé à se soucier de conduire des actions permettant de réduire les inégalités, inégalités entre pays développés et pays en développement, entre les Hommes et les Femmes, entre ceux qui savent et ceux qui ignorent (voir à ce sujet les initiatives prises en faveur de l’alphabétisation).

Autres observations critiques

Deux ou trois points intéressants sont à noter dans la mesure où ils révèlent, sinon un malaise, du moins la persistance de certaines difficultés.

Il y a d’abord à relever une certaine contradiction, ou plutôt une forme d’incohérence lorsque d’une part, notamment en séance plénière, l’idée de recherche du consensus parait très largement soutenue alors qu’en commission peuvent subsister des divergences marquées. Mais on se doit de noter que de telles discordances ne sont pas nombreuses.
Lors de la présente session elles sont surtout apparues lors des discussions sur la gouvernance à propos de points pouvant faire craindre à certains comme une atteinte à la souveraineté des États (item 21 de l’ordre du jour qui, du fait de ces divergences, a amené à ne pas accepter un projet de décision qui suggérait le consensus comme devant présider à l’organisation des échanges).

Un second sujet évoqué ou suggéré par quatre ou cinq délégués est, moins une source de contradictions, qu’un énoncé d’idées critiques à propos de ce que l’UNESCO ne fait pas ou ne fait pas assez. En substance, ces quelques interventions venant de représentants de tous les horizons géographiques couverts par l’UNESCO se rejoignent toutes pour appeler à sortir un peu du cadre très opérationnel dans lequel l’institution tend à s’installer. Pour reprendre quelques un des propos entendus, on invite ainsi l’institution à miser sur une meilleure appréciation conceptuelle ou intellectuelle, à ne pas s’en tenir aux seules dimensions pratiques, à retrouver l’esprit qui régnait dans les années 50 lorsque de grands noms venaient enrichir les réflexions. L’UNESCO ne pense pas assez, ou même ne pense pas… Il lui faut absolument réfléchir aux changements majeurs qu’induit le développement accéléré des technologies sur nos vies personnelles et nos sociétés, et plutôt que d’apprendre des machines ce qu’est l’être humain, se fixer comme but d’atteindre la sagesse. Notons quelques fortes affirmations, à l’évidence parfois un peu provocatrices ou exagérées, mais auxquelles on ne peut rester insensible. Certaines d’entre elles ont d’ailleurs été applaudies, notamment celles d’un délégué partant qui a conclu son propos en appelant l’UNESCO à rester elle-même, en restant fidèle aux valeurs « sacrées » de son Acte constitutif.

Pour mémoire on notera deux points régulièrement inscrits à l’ordre du jour à propos de la Crimée et de Jérusalem-Est. On parle d’amélioration de la situation, il reste néanmoins les contextes géopolitiques qui eux ne donnent pas la même impression, mais nous sommes là hors du champ UNESCO.

La réaction de la Directrice générale et ses réponses aux questions

Très longue réponse de Mme Azoulay qui a remercié les membres du Conseil exécutif pour leur soutien à la vision et aux orientations qu’elle avait présentées dans son discours introductif. Son intervention a été précise, la Directrice générale ayant le souci de donner des réponses circonstanciées et complètes aux observations qui lui ont été adressées comme par exemple sur la politiques en matière de ressources humaines (avec des statistiques convaincantes concernant aussi bien la mobilité que la répartition en genre du personnel) ou sur l’évolution du réseau hors-siège.

Elle a tenu à rassurer les délégués de États africains quant au maintien de la priorité Afrique au rang des préoccupations du Secrétariat en donnant beaucoup de précisions pour venir illustrer la valeur de cet engagement : attention plus grande à apporter aux sites africains du patrimoine menacé, publication des derniers volumes de l’histoire d’Afrique et diffusion auprès du public, tenue de réunions régionales, suivi des retombées du sommet de Luanda sur la Paix etc.

Tout en rappelant les travaux déjà accomplis au titre notamment de la transformation stratégique, elle reconnaît que beaucoup reste à faire, et, prenant l’exemple du lancement de la réflexion sur le futur de l’Éducation – qui doit aller bien au-delà de l’horizon du prochain C4 pour viser 2050 – elle a indiqué qu’il fallait, sans oublier les leçons du passé, avoir une démarche prospective solide.

Sensible aux remarques formulées à propos d’un éventuel déficit de Pensées, la Directrice générale a exprimé son adhésion à l’idée qu’il fallait des réflexions de fond, et de ce point de vue, a précisé que devraient être organisées régulièrement des Conférence associant des personnalités de haut niveau (4 ou 5 par ans a-t-elle indiqué).

De la quinzaine de questions posées sur de nombreux sujets, on retiendra les quelques éléments suivants :

  • Le futur de l’Éducation : ce grand projet soutenu par l’Assemblée générale de l’ONU va amener de grands débats. Le groupe de haut niveau produira ses réflexions, mais il y aura de larges consultations, une plateforme collaborative va être mise en place et un rapport sera régulièrement produit.
  • L’Éducation aux média : l’UNESCO a toute sa place sur ce sujet. Là, les jeunes sont la principale cible de nos actions. On a organisé récemment une Conférence à Belgrade. Le thème n’est pas nouveau mais les risques s’intensifient, il faut agir vite et massivement.
  • La sensibilisation des jeunes aux valeurs des Patrimoine, trésor de l’humanité.
  • La Prévention des risques naturels : on a beaucoup fait déjà, avec l’aide appréciable du Japon. On intensifiera les efforts avec l’aide des experts de la COI (océan), du PHI (hydrologie), du MAB (biosphère) ; les deux zones prioritaires sont les PEI (Petits Etats Insulaires) et l’Afrique.
  • La Prévention contre les graines de haine, l’extrémisme violent : ces actions sont indispensables, beaucoup passe par l’Éducation, l’appel de CHRISTCHURCH conforte notre engagement. Ce thème essentiel relève de l’ONU mais pour les réponses à donner l’UNESCO prend toute sa part sur le terrain (actions à MOSSOUL ou dans les pays du SAHEL). On a aussi produit un guide pour les enseignants mais il y a certainement à développer la recherche pour encore mieux appréhender ces phénomènes préoccupants (mieux comprendre les causes et les mécanismes qui amènent les discours de haine à se traduire en actes violents).