Le CCIC suit les travaux du Conseil exécutif de l’UNESCO, dont la 209ème session se tient actuellement, du 29 juin au 10 juillet. Cette session initialement prévue pour la mi-mars se tient actuellement au siège en mode « présentiel » selon des modalités nouvelles prenant en compte les « contraintes Covid »; elle a été préparée les semaines précédentes au travers de plusieurs réunions « en ligne » entre les Etats membres.

On donne ci-après les principaux points qui ont retenu notre attention pour la partie de la séance inaugurale (tenue les 2 et 3 juillet) que nous avons suivie à distance (les débats, les discours du Président du Conseil, du Président de la Conférence générale et l’intervention conclusive de la Directrice générale ainsi que les réponses aux questions des délégués).

Le Président du Conseil exécutif (M Agapito Mba Mokuy) est intervenu brièvement pour lancer un débat qui a amené plus de 70 interventions (53 membres du Conseil, 10 autre ambassadeurs délégués, 3 observateurs, 3 interventions au titre d’organisations internationales : Union Européenne, Groupe des Pays non alignés, le Saint Siège.

Dans l’ensemble les échanges se sont déroulés dans un climat apaisé et, évidemment, leur contenu a été fortement marqué par ce qu’on pourrait appeler « l’empreinte Covid-19 ».

Le Président du Conseil exécutif

D’entrée, le nouveau président a mis l’accent sur ce que la pandémie a révélé de meilleur : l’entraide et les coopérations au sein de la communauté scientifique ; en retenant cet exemple, il a formulé le souhait que la communauté Unesco soit habitée du même esprit dans tout ce qu’elle entreprend dans le cadre de son mandat : soyons solidaires, respectons-nous, soyons inclusifs, nous sommes tous interconnectés, c’est ainsi qu’on pourra relever les immenses défis de l’heure, voilà ainsi résumée la substance de son message.

Le débat : faits saillants (toutes les interventions sont mises en ligne sur le site de l’UNESCO)

Cet échange qui, comme à l’accoutumée a duré une journée et demie, sans surprise ,s’est distingué de ceux tenus lors des précédentes session : les Etats membres ont moins détaillé l’actualité de leurs pays (sauf, assez souvent pour souligner la gravité de la crise scolaire) pour parler plus des sujets essentiels en rapport avec l’UNESCO, qu’il s’agisse de sa stratégie, de ses activités, de son positionnement (au sein de l’ONU ou vis-à-vis de l’extérieur) ou de son modus operandi dans un contexte radicalement nouveau.

Mais, avant de mentionner les principaux points mis en évidence, on relèvera les félicitations unanimement adressées au Président du Board pour les efforts qu’il a déployés en vue de mettre sur pied cette session et à la Directrice générale pour son engagement afin d’assurer efficacement la continuité des activités au service des missions de l’UNESCO.

Le Multilatéralisme, les Coopérations, la solidarité, l’entraide

Jamais ces derniers temps, ces notions, et tout ce qui en découle, n’ont été autant mises en évidence. De nombreux délégués font ressortir l’idée qu’avec la pandémie se révèle plus que jamais l’importance du multilatéralisme pour faire face à des enjeux globaux et, la pertinence des missions de l’UNESCO.

On a fréquemment entendu parler du bien fondé des aides bienvenues fournies aux Etats dans les domaines relevant du mandat de l’Unesco, de nombreux exemples ont été cités en particulier dans le secteur de l’Education et de la Culture.

A propos du large soutien apporté au Multilatéralisme et à l’UNESCO, on aura relevé trois interventions (celles du Portugal, de la République dominicaine et de Sainte Lucie) très personnelles résonnant comme des avertissements ou des conseils appuyés pour que ce multilatéralisme en action (terme employé par la directrice générale) puisse consacrer une Unesco brillant d’un bel éclat ( expression employée par le Président de la Conférence générale en conclusion de son discours en fin de session)

Le délégué du Portugal, avec une certaine passion communicative, a insisté : attention à ne pas se tromper de chemin, et croire que l’on va revenir à la situation d’avant. Il y a comme une heure de vérité, il faut radicalement changer, et cela doit s’opérer maintenant avec deux domaines essentiels : l’Education et les Sciences. Il nous faut agir en conscience, avec une éthique de l’action et de grandes ambitions pour le domaine Education sur lequel l’UNESCO doit rester un leader incontestable au sein de de la famille onusienne comme elle vient de le faire en prenant en main la Coalition mondiale pour l’Education.

La Science et les Technologies sont le second terrain à privilégier : il est important que soit préservé ici un esprit coopératif, que les défis fondamentaux sous-jacents aux Recherches et aux Découvertes qu’il s’agisse des technologies (intelligence artificielle) ou du vivant (par exemple les recherches de nouveaux vaccins contre le virus Covid-19) soient relevés ensemble.

Le délégué de la République dominicaine a appelé à préserver l’institution du poison de la politisation, des luttes d’influence qui existent et qu’il faut dénoncer. Evitons nous dit-il, tout ce qui peut saper notre raison d’être, en restant unis, et soyons à la hauteur de ce qu’ont fait les générations précédentes et que nous pourrons faire pour les générations futures. Semons ainsi des grains d’espérance, avec imagination – il nous faut sortir des sentiers battus.

La représentante de Sainte Lucie, avec certainement à l’esprit les difficultés qu’éprouvent les Etats Insulaires sur le terrain (PEID) a insisté sur la nécessité de plus ancrer les initiatives sur des chantiers concrets : il est bien de dessiner l’avenir avec des vues prospectives à long terme, les normes et recommandations sont utiles, mais il est au moins aussi important de se préoccuper d’intervenir « sur le réel », par exemple en aidant au renforcement des capacités, en favorisant le déploiement des nouvelles technologies du numérique… mais ces réalisations doivent s’opérer convenablement : aucun des cinq domaines d’intervention de l’UNESCO ne doit être oublié (équilibre des allocations), si le secteur privé est plus présent, (notamment les GAFA) il faut que cela se fasse de façon bien maîtrisée, enfin, et cette remarque est importante : l’ébullition qui caractérise la montée en régime du numérique, ne doit pas amener des dérives qui feraient, notamment dans le domaine de l’Education, que la Technique l’emporte sur l’Humain.

A signaler parmi les nombreux soutiens exprimés en faveur d’une UNESCO forte et jouant pleinement son rôle fédérateur relevant de sa compétence, l’allusion du délégué de la Corée qui a rappelé toute l’importance de l’institution qui a mission de donner des lignes directrices, de servir ainsi ses membres un peu comme une « boussole ».

Les Inégalités, la Pauvreté, les Vulnérabilités

Notamment à propos de l’Education mais aussi lorsque le sujet Culture a été abordé, là aussi plus que d’ordinaire, l’accent a été mis sur un phénomène préoccupant que la crise Covid-19 ne fait qu’accentuer : les inégalités aggravées notamment à cause de la fracture numérique, le sujet très important de la Femme et de la Jeune Fille, cette dernière question est maintenant pleinement prise en compte, elle n’est pas nouvelle (le genre est l’une des deux priorités fondamentales de l’UNESCO et le restera à l’avenir), mais le fait notable est de voir -à cause des effets négatifs du Covid-19 en la matière – de plus en plus de délégués exprimer leur préoccupation à ce sujet.

Autre point évoqué par un assez grand nombre de délégations : la question des artistes (leur appauvrissement) et la gravité de la situation dans le domaine culturel (interruption sur une longue période) ; à cet égard, l’initiative RESILART prise par l’UNESCO pour organiser un large débat à ce sujet a été saluée par plusieurs délégués.

La Stratégie

On a peu parlé du chantier « Transformation stratégique » qui suit son cours avec à un groupe de haut niveau pour accompagner une démarche très mobilisatrice au sein de l’UNESCO.

Il y a eu quelques allusions à propos de l’aspect moyen terme de la stratégie (2022-2024) lequel se trouve traité dans le document C4 en préparation.

Les délégués s’accordent tous sur la nécessité de revoir certaines priorités, la priorité Afrique va être révisée non pour en réduire l’importance mais pour en reformuler la définition et plus mettre l’accent sur les impacts des actions entreprises à ce titre. Les Petits états insulaires continuent de plaider pour être eux aussi considérés comme prioritaires, et certains jugent n’avoir pas assez d’assurance pour qu’il en soit ainsi.

Les Questions Financières

La question budgétaire n’est plus présentée comme un réel problème. Elle se traite maintenant dans un cadre mieux structuré et l’augmentation des ressources extrabudgétaires permet de desserrer les contraintes financières. La Directrice générale a indiqué que depuis le début de l’année ces financements hors-budget ordinaire ont encore progressé, l’organisation peut ainsi tabler sur une enveloppe budgétaire globale s’établissant à un niveau record (730 millions de dollars).

A signaler un certain nombre d’interventions de délégués africains notant avec l’espoir qu’elles puissent se réaliser, les propositions d’annulation partielle des dettes publiques de leurs pays.

Le Réseau Hors-siège

Les échelons décentralisés ont été fortement mobilisés en ce temps de crise. De nombreux délégués ont saisi opportunément cette occasion pour appeler à consolider le réseau hors-siège et à faire en sorte qu’il trouve pleinement sa place au sein de l’organisation territoriale des agences de l’ONU avec l’aide des résidents coordonnateurs. Plusieurs délégués ont dit tout l’intérêt d’une bonne coopération des instances locales, de l’UNESCO avec les Commissions nationales.

Observations générales sur les Programmes

On réitère les mêmes observations : bien consulter les parties concernées en amont lors de l’établissement des projets, faire ressortir leurs liens avec les choix stratégiques, mieux présenter les éléments chiffrés quant aux résultats et bien montrer ex ante et ex post les impacts pour les populations.

L’Education

Si les développements concernant l’Education ont toujours beaucoup compté lors des débats du Conseil, cette fois ci, les propos entendus n’auront pas surpris par une teneur toute différente de celle dont on a pu être témoin par le passé : plus que jamais l’Education est essentielle, mais, hélas, avec la crise Covid-19, les difficultés n’ont fait que s’accroître parfois vertigineusement, notamment dans les pays en développement, où la situation est souvent d’une gravité exceptionnelle.

Du fait de la crise sanitaire mais pas seulement, de sérieux retards sont pris pour assurer la réalisation des objectifs-cibles se rattachant à l’ODD4 de l’agenda 2030.

Cela étant précisé, tout de ce qui a été dit n’a pas été teinté d’un pessimisme radical. De très nombreux orateurs ont ainsi exprimé leur grande satisfaction à propos de la « Coalition mondiale de l’Education pour faire face aux effets Covid-19 » ; cette opération interagences onusiennes lancée par l’UNESCO a été l’occasion d’un large débat sur des questions très opérationnelles associant de façon inédite les Etats, le secteur privé et les agences de l’ONU concernées.

La question du numérique -la fracture, le fossé du numérique- a été relevée par beaucoup, elle est une question centrale qui est loin d’être résolue, comme le souligne le rapport mondial sur l’Education (cf le compte rendu de la réunion de lancement) dont le thème cette année porte sur l’inclusion. Les besoins sont immenses, beaucoup des aides apportées par l’UNESCO ou les Etats (matériel, formation, mise en place de programmes ou de plateformes collaboratives) concerne ce domaine maintenant fondamental.

Le sujet « les Futurs de l’Education » intéresse mais il a fait l’objet de peu de commentaires maintenant que la réflexion est engagée avec un pilotage assuré par un groupe de Haut niveau.

Le BIE (Bureau International pour l’Education): la question ne fait plus vraiment débat ; cet institut dédié aux questions touchant les « curriculums » a vu sont statut et sa position renforcés, sa localisation en Suisse n’est plus remise en cause ; cette fois-ci, il y a eu peu d’allusions à un sujet qui l’année dernière avait fait l’objet de longs débats.

L’Education à l’Environnement et au Développement Durable tend prendre plus d’importance ; sur ce sujet, le Japon reste particulièrement impliqué.

Autre observation, qui concerne aussi le domaine Sciences : beaucoup de pays, essentiellement africains, insistent pour que l’UNESCO redouble d’efforts sur l’organisation de l’enseignement dans les domaines scientifiques et techniques (mathématiques, sciences naturelles, formation professionnelle technique).

La Science

On aura noté à d’assez nombreuse reprises, les encouragements en faveur des travaux engagés sur la Science ouverte : le contexte actuel, pour beaucoup d’intervenants, justifie que s’intensifient les partages et les débats en matière scientifique, sans exclusive ou enfermement pour telle ou telle raison.

Les Sciences Humaines et Sociales

Certains ont rappelé l’importance de la question « Ethique de l’intelligence artificielle » mais les interventions à ce sujet ont été fort peu nombreuses et toutes succinctes.

Aucune observation formulée sur le sujet Bioéthique.

Dans le cadre des initiatives prises par l’UNESCO pour assurer une continuité d’action lors de la période de confinement, on se doit de rappeler les nombreux webinaires qui ont été organisés par le secteur SHS sur les sujets sociaux mis en évidence par la crise du Covid-19 (la violence, l’antisémitisme ou le racisme notamment).

La Culture 

  • La Convention 1970 sur les trafics de Biens Culturels : sujet évoqué par un certain nombre de délégations qui expriment leur inquiétude quant à une recrudescence des trafics et aux risques d’un relâchement de l’application de la Convention.
  • Dérèglement climatique et protection des Patrimoines naturels et culturels : satisfaction exprimée à ce sujet.

Information et Communication

On retiendra surtout la proposition d’une Déclaration sur le Racisme portée par la Corée et la Jordanie et appuyée par une vingtaine d’Etats.

Expression critique et/ou interventions ciblées

  • Un Délégué a invité le Secrétariat à introduire des éléments de simplifications dans la rédaction de certains documents.
  • Un autre a jugé que le site UNESCO pourrait être amélioré.
  • Le délégué de la Russie a émis une critique sur certaines initiatives prises en matière de Communication. Il a également répété ses récriminations à l’encontre des pays baltes qui n’assuraient pas assez d’enseignements à destination de la partie de leur population russophone.
  • Le représentant du groupe des pays arabes et tous les délégués des pays arabes qui se sont exprimés ont dénoncé les récentes décisions prises par Israel (CisJordanie et Jérusalem) et jugé insuffisantes les actions prises par Unesco en application des résolutions prises précédemment (fouilles archéologiques, enseignement scolaire, protection du patrimoine etc.).

Autres éléments d’informations

  • Annonce de la prochaine journée mondiale de la liberté de la presse qui se tiendra à La Haye (décembre 2020) ;
  • Création d’une chaire Unesco à Erevan sur l’étude des génocides ;
  • Proposition d’instauration d’une journée mondiale de la Conscience (5 avril) par Barhein ;
  • Organisation prochaine à New York d’une rencontre des Ministres de l’Education sur les discours de haine ;
  • Conférence à Berlin sur l’Education du Développement Durable (2021) ;
  • A suivre : comptes-rendus des discours de clôture de la Directrice générale et du Président de la Conférence générale.