La 41ème Conférence générale s’est déroulée dans de bonnes conditions du 9 au 24 novembre 2021 malgré la persistance de la crise Covid. Les échanges ont été organisés selon le processus habituel (débats pléniers, travaux en Commissions spécialisées pour examiner les points à l’ordre du jour, décisions officialisées lors des sessions plénières en clôture).
En les complétant éventuellement par certaines observations, on reprend ci-après les éléments que l’on aura particulièrement remarqués.
Le Contexte, la particularité de cette 41ème session
2021 étant le millésime du 75ème anniversaire de la création de l’UNESCO, cette CG a été l’occasion de bien marquer l’évènement au travers des propos tenus notamment par la Directrice générale, les Présidents du Conseil Exécutif et de la Conférence générale, mais aussi avec une exposition retraçant « l’Aventure de l’UNESCO » depuis sa création et une session tout à la fois officielle et festive.
Autre particularité de cette Conférence générale : la reconduction de Madame Azoulay comme Directrice générale, brillante réélection qui a donné lieu à une cérémonie d’installation au cours de laquelle les président des groupes électoraux ont exprimé à l’intéressée un éloge appuyé et lui ont exprimé leur confiance en l’avenir de l’UNESCO sous sa direction.
La crise Covid n’aura pas empêché la tenue de cette Conférence « in presentia » mais certains intervenants ont été contraints de délivrer leurs messages en mode vidéo compte tenu des situations particulières et le sujet crise Covid a été très présent dans les propos tenus, qu’il s’agisse de parler des « ravages » subis, des actions menées par les Etats avec souvent l’aide salutaire de l’UNESCO. Beaucoup d’orateurs ont aussi parlé d’avenir, en soulignant qu’on allait entrer dans une ère nouvelle, avec la nécessité de viser une plus grande résilience, en misant beaucoup plus sur les apports des nouvelles technologies, dans un monde confronté à d’immenses défis.
Le débat introductif, les échanges au sein des Commissions
193 Etats sont intervenus. Dans une large mesure, et sans que cela surprenne, les allocutions prononcées ont fait ressortir les mêmes thèmes et observations que ce qui était ressorti des 211ème et 212ème réunions du Conseil Exécutif, mais, étant observé qu’elles étaient portées pour la plupart par des Ministres – une centaine – ou chefs d’Etat (28 dont notamment ceux d’Egypte, du Nigéria, d’Espagne et de Grèce), les déclarations ont été plus solennelles et ont souvent comporté un développement sur les situations nationales notamment en rapport avec la crise Covid et ses effets sur les systèmes éducatifs.
A de nombreuses reprises, les intervenants se sont accordés pour saluer tout ce qu’a fait l’UNESCO face à la crise, en particulier dans le domaine de l’Education (accompagnement, mobilisation de la solidarité internationale, avec notamment la Coalition mondiale pour l’Education, un mécanisme renforcé de l’ODD4, l’initiative Back to School etc.) et de la Culture (soutien aux industries créatives, protection et reconstruction des patrimoines) mais aussi dans les secteurs de la Science (Science Ouverte et Intelligence Artificielle) ou de l’Information (rapport sur les grandes tendance concernant les média , défense de la liberté d’expression et des journalistes). Toutes les réalisations comme les nouveaux projets envisagés (dans le cadre du document C4) ont fait l’objet de commentaires élogieux.
Les orientations stratégiques soumises à l’appréciation de la CG ont été accueillies sans réserve, et notamment la reconduction des priorités « Afrique » et « Genre », beaucoup d’intervenants ont noté pour s’en satisfaire les efforts engagés pour améliorer l’efficacité des actions en faveur du continent africain (création d’une section spécialisée notamment et surtout élaboration d’une stratégie opérationnelle spécifique). Il y a eu aussi la satisfaction des Petits Etats Insulaires en Développement de voir qu’ils feraient maintenant l’objet d’une plus grande attention quant à leurs grandes vulnérabilités et aux aides qui leurs seront maintenant apportées avec plus d’assurance.
L’accent que l’UNESCO entend désormais mettre sur les Jeunes (un groupe expressément identifié dans le cadre de sa stratégie) rejoint beaucoup d’avis exprimés à leur sujet. Plusieurs intervenants se sont félicités à cet égard que le Forum des jeunes à un moment compromis ait pu se tenir avec succès en marge de la CG en mode virtuel (plus d’une centaine de participants ont ainsi produit un message à l’attention de la CG, message qui lui a été présenté lors de la séance de clôture).
Sur de nombreuses autres propositions, beaucoup d’Etat ont exprimé leur soutien comme par exemple outre une implication plus grande des jeunes, la défense des Femmes et des jeunes filles, surtout dans le domaine éducatif, et particulièrement dans le secteur des Sciences.
A propos du secteur Culture, on aura noté de fréquentes allusions à la question du trafic des Biens Culturels et des restitutions (Convention 1970) et une grande reconnaissance pour ce qui est fait à Mossoul et Beyrouth (opération Libeyrouth). D’un point de vue plus général, il a été souvent souligné le rôle majeur que tient le domaine culturel comme ciment des sociétés.
S’agissant des questions de gouvernance et d’administration, sans disconvenir des nombreux progrès réalisés au cours des deux dernières années, quelques observations ont été émises pour faire l’objet d’une plus grande attention qu’il s’agisse de la représentativité géographique du personnel, de la rotation au sein des Comités ou des Commissions, de certains aménagements au niveau du réseau hors siège qu’on appelle à opérer de façon optimale dans le cadre onusien, et des évolutions du système d’information.
On ne saurait manquer de relever la reprise fréquente de toute une série de termes ou de thèmes qui sont pleinement les valeurs ou l’illustration de l’ADN UNESCO : l’inclusion, la reconnaissance mutuelle et le dialogue, le Développement durable, le respect de la diversité, la défense de la Paix, les Droits de l’Homme, la citoyenneté, la lutte contre le racisme, le sexisme, le genre et toutes les discriminations notamment celles à l’encontre des minorités linguistiques ou culturelles, l’éthique, les inégalités, les fossés et fractures numériques, sociales, la violence et les discours de haine, les avancées et les déviances des systèmes d’information, les média et l’internet.
Un autre sujet, parfaitement illustré avec les initiatives prises face aux ravages (mot plusieurs fois repris) de la crise Covid a été souligné : tout ce qui renvoie à la solidarité (morale et intellectuelle, pour reprendre ce qui figure dans l’Acte Constitutif) mais aussi financière et en ressources humaines ; beaucoup de délégations ont insisté sur la nécessité des coopérations, entraides, accompagnements, partage.
A noter quelques allusions à des sujets sensibles, tels la Vie ou le monde du vivant – respect de la nature et de la biodiversité en particulier – ou le respect de l’Humain en son essence, mais elles n’auront pas été nombreuses. Même observation au sujet de l’Afghanistan : l’UNESCO est invitée à y prêter attention, mais ces appels ici aussi ont été peu nombreux.
Même si les discours tenus tout au long des débats ont été teintés d’une note très positive, on n’aura pas été surpris de certaines déclarations rappelant la persistance de situations conflictuelles ; ainsi avec plus ou moins de « dureté » a-t-on pu entendre parler des situations problématiques en Ethiopie, au Burkina, en Syrie, en Afghanistan, en Ukraine et Crimée, en Hongrie et Georgie, en Palestine.
Dernier point important : en dehors de la gratitude exprimée de multiples façons à la DG, beaucoup d’intervenants ont dit, au nom de leurs pays, leur complet soutien à l’UNESCO, une institution excellente figure du multilatéralisme au service de la Paix, bien dirigée, avec une vision ambitieuse de nature à répondre à tout ce qu’on attend d’elle. Plusieurs intervenants ont dit leur « foi » en l’UNESCO, leur confiance pour son avenir leur fierté d’être membre de l’institution et le soutien que leur pays continuera de lui apporter. On a aussi entendu combien l’UNESCO était pertinente, indispensable, unique au sein de la famille onusienne pour remplir ses nobles missions.
La célébration des journées
Elément très spécifique mis à l’agenda de la Conférence, l’instauration de nouvelles journées de célébration.
Ainsi ont été adoptées, pratiquement sans beaucoup de débats dans les Commissions appelées à valider des propositions très diverses, répondant toutes à des sujets d’importance pour La famille de l’UNESCO : journées de la Femme dans le multilatéralisme, de la langue kiswahili, de la Conscience, de l’Avenir, de la Géo-diversité, et enfin de la biosphère.
Les déclarations
Cette Conférence a aussi été l’occasion de lancer ou mettre en lumière certaines déclarations qui visent à mettre l’accent sur de grandes questions touchant les domaines couverts par l’UNESCO
Il a ainsi été fait allusion à la déclaration de Berlin produite à l’issue d’une grande Conférence internationale tenue en mai dernier sur l’Education au Développement Durable.
On a rappelé aussi deux déclarations politiques, l’une issue du GXX tenu à Rome qui a trait à la Culture et à la question des Biens Culturels ( Convention de 1970), et l’autre, en conclusion du dernier sommet mondial des Ministres de l’Education, où est affirmée la nécessité de consacrer un niveau suffisant de ressources au bénéfice des systèmes éducatifs (avec fixation d’objectifs cibles en pourcentage des dépenses budgétaires).
Enfin, la déclaration dite de Windhoek +30, qui actualise l’engagement qui avait été pris il y a trente ans. Le texte de ce document révisé a été mis au point lors de la dernière Conférence mondiale pour la liberté de la presse tenue en Namibie ; les éléments nouveaux introduits ont trait à la question de la viabilité des médias et aux questions soulevées par les nouveaux systèmes d’information (plateformes et réseaux sociaux).
Quatre Résolutions importantes adoptées : l’Afrique, les Futurs de l’Education, l’Intelligence Artificielle, la Science Ouverte
La Priorité Afrique : stratégie opérationnelle pour l’Afrique
La priorité Afrique n’est pas nouvelle (elle a déjà trente ans d’âge), mais en la confirmant la Conférence générale a tenu à bien marquer toute son importance et insisté sur la nécessité de bien la traduire en actes sur le terrain. Le sujet a donné lieu à débat dans les Commissions sectorielles, sur la base d’un document portant sur « la stratégie opérationnelle pour l’Afrique » issu d’un travail et de consultations préalables pilotées par le Kenya et la Namibie. La France et la Suisse ont rappelé leur engagement envers l’Afrique au titre de leur aide au développement.
Les Futurs de l’Education
Large soutien apporté à cette importante contribution qui invite à repenser les systèmes éducatifs en considérant l’entreprise comme essentielle au point de recommander de voir les réformes indispensables intégrées dans une forme de contrat social avec la prise en compte des grandes priorités du numérique, du dérèglement climatique, du développement durable et des questions sociales.
L’Ethique de l’Intelligence Artificiel (voir également un compte rendu spécifique)
A l’ère du numérique, l’adoption de ce nouvel instrument normatif est l’une des grandes décisions prises par la CG. On aura noté beaucoup d’interventions pour appeler à bien assurer la mise en œuvre des recommandations par les Etats. Un certain nombre d’entre eux se sont exprimés pour souscrire à cet engagement, avec assez souvent des allusions à des initiatives déjà prises qu’il s’agisse par exemple de l’adoption de stratégies numériques ou de dispositions législatives, ou encore d’actions de formation, de sensibilisation, de recherche universitaire.
La Science Ouverte
Cette résolution portant sur la Science Ouverte a elle aussi été largement approuvée dans son principe. Ce sera, a-t-on pu entendre, une clef pour l’avenir, un outil puissant pour faciliter les coopérations scientifiques, la circulation des idées, et, élément important souligné par plusieurs intervenants, notamment africains, pour faciliter l’insertion des pays les plus pauvres dans le domaine du savoir et de la recherche scientifique et ainsi favoriser leur développement par l’innovation. Avec les Etats, l’UNESCO comme chef de file du domaine Education au sein de la famille onusienne, va rester investie sur une réalisation qui illustre bien ce que la « diplomatie scientifique » peut produire au service de la Paix.
On aura noté quand même, au-delà d’une position de principe tout à fait favorable à la Recommandation, certaines nuances d’appréciations dans la formulation de la DR : une délégation souhaitait que soient insérés dans le texte des élément précis quant aux actions à mener. A l’issue d’une longue discussion, il a été convenu d’en rester à une formulation plus simple et plus générale, pour éviter de transformer la décision en une sorte d’injonction.
C4/C5 : quelques indications générales sur ces deux documents fondamentaux portant sur la stratégie (2022-2029) et les aspects budgétaires (2022-2023)
Largement discutés lors des deux derniers Conseils Exécutifs, les deux documents ont été adoptés sans difficultés.
On relèvera t qu’ils ont été souvent évoqués dans le débat plénier pour saluer la qualité du travail présenté et approuver la stratégie moyen terme proposée sur laquelle s’appuient les éléments financiers.
A propos, de la présentation, on retiendra sa clarté avec maintenant une structure bien établie qui se décline en objectifs stratégiques au nombre de quatre (Education, Environnement, Social, Technologie et Information), chaque objectif étant traduit par des Effets dits facilitateurs (11), appelés à être suivis au travers d’indicateurs (21)
Autre élément à noter qui contribue à bien clarifier les orientations figurant dans la stratégie à moyen terme : le souci de les faire reposer sur des références précises comme l’agenda 2030 de l’ONU, l’Accord de Paris sur le climat ou la stratégie de l’Union Africaine 2063.
Sur le plan financier, le plus notable à observer concerne l’enveloppe globale : elle a été acceptée, avec une progression non négligeable, ce qui constitue un élément nouveau par rapport à la situation antérieure.
Elections
En dehors de la réélection de Audrey Azoulay comme Directrice Générale, la CG a procédé aux élections des nouveaux membres des Comités et Commissions appelés à prendre la succession des Etats dont les mandats venaient à échéance. A noter, au niveau du Conseil Exécutif, l’entrée de quatre Etats représentant le groupe des PEID, un choix conforme aux orientations de la nouvelle stratégie.
A propos de la question importante des conditions statutaires régissant l’organisation des élections, on rappelle l’importance attachée par certains Etats au principe d’une rotation juste et équilibrée ; le sujet est sensible, il a constitué un point de l’ordre du jour de la CG, qui a décidé de poursuivre les discussions et d’en faire rapport lors de la prochaine CG.
L’intervention du CCIC
Le président du CCIC est intervenu dans la partie du débat réservé aux ONG pour rappeler ce que représente l’organisation en nombre d’ONG qui en sont membres avec leur large implantation internationale. Il a rappelé l’organisation de son dernier Forum sur la Métamorphose du monde avec le parrainage de l’UNESCO. En faisant le constat que ses conclusions rejoignaient à bien des égards certaines des préoccupations de l’UNESCO, il a lancé un vibrant appel pour que les réflexions puissent se poursuivre avec ses Secteurs comme avec les Etats.