Deux journées d’intenses discussion sur un domaine essentiel, l’importance du rôle de l’UNESCO pour le pilotage de l’ODD4 de l’agenda 2030, alors qu’en l’état actuel, les prévisions quant aux réalisations restent préoccupantes. Nombreuses actions lancées par le secteur « Éducation » pour les deux années à venir : en particulier le lancement du projet phare de l’UNESCO sur « l’Avenir de l’éducation ».

Sous le thème général de « Comment collectivement accélérer la réalisation de l’ODD4 ? », le président de la Commission Éducation Mr Shafqat Mahmood, Ministre de l’éducation du Pakistan, ouvre la première des cinq sessions de cette Commission (dont les vice-présidents sont les représentants du Libéria et du Qatar).

Monsieur Jean-Yves Le Saux, Directeur du Bureau de la planification stratégique présente le projet de programme et de budget 2020-2021. Il évoque les nouveautés que sont :

  • Les consultations régionales des Commissions nationales ;
  • La consultation des organismes indépendants de l’UNESCO pilotés par les secteurs de l’UNESCO ;
  • L’instauration d’un dialogue avec les délégations permanentes, de cinq dialogues sectoriels, d’un dialogue sur les priorités globales, les tendances qui ont une incidence sur la stratégie telles que l’extrême pauvreté et les inégalités qui vont croissantes, ainsi que des défis relatifs à la construction de sociétés pacifiques et inclusives.

En réponse à l’ensemble de ces questions, l’UNESCO doit reconnaître l’urgence d’un renouvellement de son action, affirmer son rôle central (fondamental et moteur) pour la réalisation de l’ensemble des Objectifs du Développement Durable, confirmant ainsi la pertinence de son mandat et de ses fonctions essentielles.

A aussi été soulignée la nécessité de trouver des réponses innovantes, d’adopter des approches transversales pluridisciplinaires intégrées.

M. Le Saux confirme les deux priorités centrales que sont l’Afrique et l’égalité des genres, sans oublier de mentionner comme devant mériter une particulière attention deux autres sujets : les petits États insulaires et la jeunesse.

Il conclut en mettant l’accent sur trois points : la prise en compte des aspects régionaux et de la diversité des besoins propres des régions, le renforcement des partenariats stratégiques et les priorités à retenir pour les programmes qui doivent se concentrer sur leur impact et rechercher des effets multiplicateurs.

Madame Stefania Giannini, Directrice générale adjointe pour le secteur Éducation évoque le rôle de pilier qu’est l’éducation pour la réalisation des ODD et rappelle les paroles de Monsieur Antonio Guterres, Secrétaire Général des Nations unies, dans son discours inaugural de la 40ème session de la Conférence générale alertant sur le retard constaté dans la réalisation de l’ODD4-Education 2030 alors que l’éducation est un puissant moteur et le meilleur investissement au service du développement.

En effet, les données actuelles de la situation conduisent à des prévisions préoccupantes d’ici à 2030, notamment en matière :

  • De scolarisation : 14 % des enfants ne seront pas scolarisés et seulement 60 % termineront des études secondaires ;
  • D’apprentissage : 58 % des enfants n’auront pas les compétences minimum, 14 % d’adultes seront analphabètes ;
  • D’équité : les 20 % les plus riches auront 9 fois plus de chances de terminer des études supérieures que les 20 % les plus pauvres ;
  • De moyens dédiés : il manquera 30 milliards de financement annuel pour l’éducation. Un pays sur quatre consacrera moins de 4 % de son PIB et moins de 15 % de son budget annuel à l’éducation.

Les défis à relever sont ceux des inégalités et de l’exclusion, en partie à cause de problèmes démographiques : la population de l’Afrique va doubler et les trois quarts de sa population aura moins de 20 ans. Le réchauffement climatique ajoutera une autre difficulté avec l’exode des réfugiés climatiques, les migrations seront encore un défi avec, selon certaines prévisions, 70 millions de réfugiés supplémentaires d’ici à 2030. Autre prévision décevante, la technologie ne sera pas universellement accessible.

Dans ce contexte, il importe d’élaborer une feuille de route avec le souci de l’inclusion, du développement, de l’esprit critique, du renforcement de la résilience par une approche interdisciplinaire.

Pour aider au traitement de ces difficultés, l’UNESCO lance quatre initiatives :

  • 1- Renforcement de l’éducation des femmes et des filles : « Son éducation, notre avenir » ;
  • 2- Projet de transformation accélérée : l’éducation pour les migrants et publics vulnérables ;
  • 3- L’enseignement supérieur avec l’élaboration d’une nouvelle convention mondiale qui promeut l’inclusion et la mobilité ;
  • 4- Projet intitulé les « futurs de l’éducation » : c’est un processus consultatif et un débat mondial qui s’appuie sur une commission internationale de haut niveau et doit aboutir à un rapport prospectif en 2021, et plus généralement conforter le leadership intellectuel et la fonction prospective de l’UNESCO.

Deux autres initiatives, très pratiques, ont été données comme exemples des actions du secteur éducation :

  • La nouvelle stratégie sur l’alphabétisation conduite avec le Danemark, et concentrée sur les pays où le taux d’alphabétisation est inférieur à 50 % ;
  • La prévention de la tendance à l’augmentation des extrémismes violents…

En conclusion : le mot-clé c’est l’accélération, avec notamment les financements pour la priorité Afrique qui vont doubler.

Nombreuses interventions (26) des États qui s’accordent à souligner que l’inclusion, l’égalité des genres et l’Afrique restent des sujets prioritaires.

Dans la deuxième session, Madame Stefania Giannini rappelle le rôle croissant de l’UNESCO pour la coordination et le suivi de l’ODD4. La responsabilité de chef de file de l’UNESCO dans cet ODD4 oblige à être plus fort pendant les 10 années à venir, impose d’adopter une pensée stratégique venant à l’appui d’une feuille de route qui doit mettre l’accent sur quelques points essentiels avec des cibles spécifiques. Il faut orienter les actions en ayant le souci de leur portée, assurer la pertinence d’un corps enseignant qualifié avec une évaluation précise des résultats attendus, se soucier de la qualité des mesures prises, de la qualification des enseignants pour de nouvelles compétences et l’utilisation de nouveaux outils. Il importe aussi que puissent être promues les valeurs de la pensée critique, de la durabilité (le développement durable), du respect et de la dignité des personnes.

Dans la mise en œuvre des politiques éducatives, il est indispensable d’en présenter les résultats, surtout quand elles sont conduites avec une aide financière, et de sensibiliser à l’urgence de l’éducation.

L’UNESCO a pour rôle d’aider les gouvernements mais c’est à eux qu’appartiennent les décisions et leur mise en œuvre.

Dans son intervention et à propos des résolutions se rapportant à l’éducation, la Côte d’Ivoire a souhaité un amendement évoquant l’éducation à l’éthique et la morale ainsi qu’à l’histoire des religions mais il a été fait observer que les notions de « citoyenneté mondiale » et de « diversité culturelle » ou finalement les« valeurs universelles » auxquelles il est fait allusion dans les formulations proposées les englobent déjà, donc « éthique » et « morale » disparaissent du libellé de la résolution. La Russie a également plaidé sans succès pour inscrire la morale dans la recommandation.

Dans un second débat Madame Stefania Giannini a présenté le projet d’une convention internationale de reconnaissance des qualifications de l’enseignement supérieur initié il y a huit ans lors de 37ème session de la Conférence générale avec comme objectif d’aider à plus de mobilité au sein du monde universitaire. La démarche aboutit maintenant et nécessite un mécanisme robuste d’assurance de qualité. Cette convention doit permettre de renforcer la coopération et d’élargir l’accès de tous à l’enseignement supérieur. Ce texte non contraignant doit être approuvé puis attendre que 20 états membres l’aient ratifié avant de pouvoir être mis en œuvre.

Le débat tenu lors de la troisième session a porté sur la coordination mondiale et régionale et le soutien de l’UNESCO à l’ODD4 dans la stratégie 2019-2025. La délégation du Saint-Siège évoque les 220 000 écoles et l’enseignement supérieur qui fournissent des services éducatifs en particulier auprès des réfugiés et de communautés locales. Il exprime son désir de collaboration et le souci de ne laisser personne de côté. Il évoque l’événement prévu le 14 mai 2020 à Rome pour lancer « la reconstruction d’un nouveau pacte mondial pour l’éducation» .

ATD Quart Monde, rejoignant l’idée de ne laisser personne de côté, pose la question suivante : « Qui sont les oubliés de l’éducation ? » en faisant remarquer que faute d’acte de naissance, de nombreux enfants sont humiliés, rejetés et privés d’enseignement secondaire. Une réflexion menée au sein de cette association a fait émerger l’importance d’impliquer les parents.

Au cours de la quatrième session Madame Giannini évoque les trois instruments normatifs pour aider les gouvernements, comme le rapport de synthèse sur l’apprentissage des adultes.

La proclamation d’une journée internationale pour la lutte contre la violence et le harcèlement à l’école a été actée ainsi que la création d’un Établissement de catégorie 2 au Ghana (Institut pour la Planification et l’Administration de l’Éducation), d’un Bureau pour l’éducation pour le climat de catégorie 2 en France, d’un Institut de développement pour la petite enfance aux Seychelles, Institut de catégorie 2 pour garantir les droits des très jeunes enfants et promouvoir les meilleures pratiques.

Il a ensuite été évoqué le problème épineux de l’avenir du Bureau International de l’Education (BIE), institut de catégorie 1. Le Conseil exécutif en octobre 2019 dans sa 207ème session a proposé une réorganisation du Bureau à Genève avec reformulation de sa mission et un nouveau mandat en tenant compte de l’audit qui a été effectué. On a évoqué ensuite l’Institut de l’éducation tout au long de la vie, l’Institut de l’éducation pour la paix et le développement (l’Institut Mahatma Gandhi), celui de l’éducation supérieure en Amérique latine et aux Caraïbes, celui de la formation technologique dans l’éducation et, en France l’IIPE, et celui de Dakar. On souligne l’importance des curriculums surtout pour les pays en voie de développement.

Concernant l’avis des États sur le libellé de la résolution sur le Bureau International de l’Éducation, s’ensuit une discussion sans fin pendant laquelle la Chine ne veut pas renoncer à ses propositions de financer et héberger le Bureau International de l’Éducation. La session prend fin à 18 h10 sans trancher sur les termes précis (mais le BIE reste pour le moment à Genève avec une mission appelée à être reformulée).

Par ailleurs, approbation consensuelle sur les autres points soumis à la Conférence.